Saturday, May 7, 2011

AU TRAVAIL

AU TRAVAIL !
Pendant longtemps ,et maintenant encore cela n’a pas vraiment changé,le travail n’était point tenu pour une activité noble;il n’était même pas considéré comme étant nécessaire.Il était en fait perçu comme étant dégradant et humiliant. En effet, seules travaillaient ,étaient assujetties au travail,les couches réputées inférieures de la société,cependant que celles qui régnaient sur la société dont elles contrôlaient tout l’espace , ne travaillant pas elles-mêmes,faisant travailler les autres,jouissaient du fruit de leur travail, de leur labeur,en fait de leur asservissement.Ceux qui ,tout naturellement,pensent que le travail est naturel à l’être humain, qui estiment que tous les hommes sont naturellement et obligatoirement astreints au travail ,depuis point si longtemps régulièrement rémunéré et accompli selon des conditions bonnes et mauvaises,acceptables et scandaleuses , fixées par la législation et toujours susceptibles d’amélioration-----------rappelons ici que jusqu’à hier encore( et même aujourd’hui bien souvent ), le labeur ,pourtant bien réel, des femmes et celui des enfants ( officiellement interdit ), n’était point jugé digne de salaire, de rémunération,et qu’il bénéficiait tout au plus d’une compensation se limitant à quelques vivres,à quelques biens qui leur étaient,par générosité, semblerait-il, offerts;quant au travail des animaux,non pas celui auquel ,dans leur infinie noblesse, les humains les soumettent, mais celui auquel ils se librement livrent ,il obéit à une logique que ,pour l’heure, nous ne sommes pas encore en mesure de déchiffrer-------------,oublient que ,du moins selon la Bible, le travail fut d’abord infligé à l’homme, à l’homme seul, en tant que punition, et qu’à la femme était réservée une autre forme de travail lié aux douleurs de l’enfantement;comme on le sait, le terme travail renvoie ,en ancien français aussi bien qu’en vieil anglais , aux douleurs subies par la femme durant l’enfantement.
Le travail,le travail salarié, rémunéré,constitue ,à coup sûr, un progrès au regard du servage et de l’esclavage, mais quand il ne s’en distingue,comme c’est bien souvent ( tout le temps ? ) le cas,il faut bien reconnaître que rien n’a changé sinon en pire, et que les progrès de la connaissance n’ont servi à grand-chose.Ce n’est qu’avec la Révolution française que le travail commence à acquérir ses lettres de noblesse, l’abolition des privilèges faisant, en théorie du moins, de tous les hommes des égaux tenus ,pour satisfaire à leurs besoins et réaliser leurs désirs,de ne dépendre que du seul fruit de leur travail.Les conséquences de la Révolution française seront toutefois d’une durée et d’une portée relativement décevantes.Le triomphe de la bourgeoisie,annoncée par la Révolution elle-même d’une certaine manière, au siècle suivant, va instrumentaliser une conception ,qu’elle n’aura pas peu contribué à répandre, du travail en tant que facteur de bien-être et de liberté ,pour inventer qu’il ennoblit et en faire la seule source de toute richesse.Mais ,comme Karl Marx l’a parfaitement vu, ‘le travail n’est pas la source de toute richesse, c’est une idée que les bourgeois ont inventée pour faire travailler les autres’;on peut ajouter ,pour les asservir , les dominer et les exploiter.
En fait, ce n’est pas le travail lui-même, si tant est qu’on sache ce qu’est le travail lui-même------------mais ce sont peut-être les animaux, certains animaux comme les fourmis, les araignées, les abeilleset les castors par exemple,qui, mieux que les artistes, les bénévoles, les philanthropes, comme on dit,les dilettantes et les saints eux-mêmes,pourraient nous l’apprendre-------------,qu’il convient de critiquer avec le plus vif acharnement, mais une certaine organisation du travail, laquelle n’est pas ,selon nous, vieille comme le monde et ne revêt certainement aucun caractère de nécessité ( nous nous permettons,on nous en excusera, de renvoyer à la série ,inachevée, d’articles parus dans Samedi –Plus sous le titre Du respect des lois ), structuré en tant que relation de domination et d’exploitation.Or cette relation, facilitée par la dépersonnalisation ,la néantisation-----------on dit aussi aliénation non seulement dans le langage marxiste,mais chez Hegel déjà ( quoique dans un contexte sensiblement différent ) ,-----------de la personne du travailleur au moyen de la mécanisation industrielle et de la robotisation de la société,n’est ni indispensable,ni inévitable.Certes,elle------------cette organisation du travail,---------------peut avoir l’air naturelle ,elle peut donner l’impression, la plupart des hommes étant, pas forcément ni toujours par leur faute, imbéciles, ignorants, lâches, malhonnêtes, paresseux et complexés ( d’où le désir de domination ) devenus ,d’être indépassable.Mais ,il n’en est rien.
Une autre relation de travail est possible fondée sur la coopération et le respect de l’autre,de même qu’il est possible de concevoir le travail comme promesse de la libération, de l’épanouissement et de l’ennoblissement authentique de l’être humain.Il est vrai qu’elle est, cette relation, extrêmement difficile à concevoir et plus difficile encore à instaurer.Car il s’agit de lecture, d’attention à la prose du monde , d’écoute et de recueillement face aux êtres et aux choses dans leur sublime diversité.Et c’est peut-être primordialement au politique qu’il revient d’oeuvrer à sa mise en place .Pas à lui seul ,cependant,mais à tous.A lui surtout, malgré tout.Et c’est le devoir de tous, des intellectuels surtout , de l’y aider.Car là où le travail est une humiliation quotidienne et un enlaidissement irréversible, il est peut-être pire encore qu’un esclavage qui s’avoue tel.
Ramanujam Sooriamoorthy