Thursday, March 5, 2015

On plaint les autres, on leur témoigne de la sympathie, mais c'est pour oublier ses malheurs à soi, lesquels toujours au malheur de vivre renvoient, à ce qui, au fond, constitue la seule maladie dont souffre l'être humain, les autres n'én étant que des métaphores ou des métonymies, ou encore des approximations.

On souffre de ne point vivre, de devoir s'agiter pour pouvoir vivre, et, à force de s'agiter, on finit par ne faire que cela, y prenant même goùt, et oubliant que l'on ne cherchait qu'à vivre.

On déclare ne point aimer la vie que l'on mène, et pourtant on continue de vivre comme  devant.

On n'est point libre, libre de vivre, de mener la vie que l'on entend mener, aussi longtemps que l'on a recours à rhétorique, mais peut-on se dispenser de la rhétorique?

S'il est vrai que la rhétorique n'a pas toujours existé, il faut se demander pourquoi on ne s'efforce point, comme ont tenté de le faire Nietzsche et Freud, et peut-être Heidegger aussi, de remonter à ce moment d'avant la rhétorique; mais peut-être la rhétorique a-t-elle, vieille comme le monde, vieille en tout cas comme le langage, toujours existé, et toute la question, c'est alors de savoir comment en finir avec elle.

Ce ne sont pas les êtres humains qui ont besoin de rhétorique, mais seuls ceux d'entre eux qui sont affreusement inférieurs.






Tuesday, March 3, 2015

Un écrivain doute toujours qu'il écrive, mais cela, comme on l'aura compris à moins d'être un sacré analphabète, ne signifie que tous ceux qui doutent d'écrire soient des écrivains.

Ecrire n'égale point publier; la publication est peut-être, sûrement même, ce qu'il y a de plus étranger à l'écriture.

Il est difficile de concevoir qu'un écrivain accepte de se faire publier sans soupçonner dans le geste auquel il cède, il succombe, quelque faiblesse, sinon une profonde et honteuse indécence.

Un peintre, ce n'est pas seulement quelqu'un qui a appris à regarder, mais c'est bien plus encore quelqu'un qui sait qu'il ne peut peindre qu'à la condition de ne point voir ce qu'il est en train de peindre, d'être toujours aveugle à ce point où le pinceau entre en contact avec la toile.

Pire qu'une absurdité, l'être humain est une lamentable erreur: vivement le surhomme!

Si on est fort et puissant, on peut se passer d'être rusé; toute la question, cependant, c'est de savoirsi l'on peut être devenir fort et puissant sans être rusé.