Friday, December 28, 2018

Le seul dialogue auquel Platon reconnaît quelque importance, c'est celui que l'âme se tient tout au long à elle- même: c'est la pensée, c'est le discours de la pensée dont il n'est pas sûr qu'il ne s'égare lui aussi; du moins pée en tant que dialogue, non moins que ar moments. Cependant, si la pensée est, ce qui est peut- être indéniable, une forme de dialogue, il ne s'ensuit que tout dialogue renvoie à la pensée; c'en est le plus souvent la negation même, surtout que le dialogue de la pensée, le discours du dialogue en tant que discours de la pensée, que la pensée en tant que dialogue, n'est pas véritablement un dialogue: c'est un faux dialogue qui est non seulement, en même temps, vrai, mais vrai ou faux, ce dialogue, semble-t-il, capable de dire le vrai, d\être une source de connaissance, et il y aurait là de quoi rester bouche bée; non?

Tout emprunt, qu'il s'agisse d'une chose, d'un mot, d'une idée, est toujours au moins un peu sale, surtout pour l'emprunteur dont il révèle l'indigence, laquelle n'est pas que matérielle, mais si l'emprunt salit l'emprunteur, il ne salit pas moins le prêteur qui, quand bien même il serait animé par  quelque volonté de générosité, commet une fort monstrueuse action en rappelant, fût- ce sans le savoir,  à l'autre, à l'emprunteur son indignité, et s'il en est ainsi de l'emprunt, on préférerait ne pas songer à ce qu'il en peut être du vol; et pourtant, le vol, c'est la chose du monde la plus répandue, même s'il n'est partout, ni chez tous répandu.


Qui peut avoir aussi bonne conscience qu'un voleur? Il n'a sans doute jamais le sentiment d'avoir perpétré quelque chose d'odieux; et puis, n'importe comment, il n'a fait que faire ce que font des centaines de milliers d'autres.

Quelqu'un qui se respecte ne peut qu'être irrité d'être pris pour un autre, d'apprendre qu'il ressemble à telle autre personne, mais il est evident que la plupart des gens ne se respectent pas.


Il n'y a aucune différence entre les lois et les préjugés; sauf dans le domaine de la physique, mais il est rare que les juristes soient des mathématiciens, même s'il y en a qui détiennent des doctorats en mathématiques, et si t.el est le cas, il n'y a même pas à se demander si le législateur, un minus choisi par d'autres minus et conseillé par des analphabètes diplômés, comprend quoi que ce soit aux mathématiques.


Céline affirmant que la vraie inspiratrice, c'est la mort, omet de préciser qu'il s'agit de la mort infligée aux autres









Thursday, December 27, 2018

Le vide de la page, de l'écan, n'est trop souvent que le reflet du vide du nigaud qui s'efforce d'être intelligent.

Les dialogues de Platon ne sont que des simulacres de  dialogue: l'auteur du Théétète ne pouvait ignorer que c'est en parlant, en discutant, en, comme on dit, échangeant, qu'on débite des sottises en nombre infini.


Survivre est laid, mourir encore plus laid, et dire que l'on ne songe même pas à vivre.


On s'ennuie, on se nuit dans la nuit de la vie, mais c'est à peine si l'on s'en rend compte.

Les révolutionnaires étudient l'écriture du rêve, car ils savent que la réalité est du domaine de l'onirique; la rêverie, qui est autre chose, ne séduit que les voyeurs et les onanistes.

Il n'y a pas de message révolutionnaire; le discours révolutionnaire, discours sans paroles, est une praxis qui agit comme massage, massage de l'esprit, du corps, de l'âme.



Monday, December 24, 2018

On reconnaît un être intelligent à son sens de l'humour; la plupart des gens croient seulement avoir le sens de l'humour, mais ne sont que des rustres, des paysans: il faut à l'humour un raffinement extrêm, e de l'esprit qui ne s'obtient que grâce à la fréquentation d'êtres supérieurs.

Oscar Wilde avait un humour tout spécial, un humour froid, sérieux, glacé et, en même temps, désinvolte, souriant et généreux. Maurice Blanchot, qui était intelligent comme personne, n'avait, selon toute apparence, aucun sens de l'humour, mais c'était peut- être sa manière à lui de faire de l'humour.

L'humour est, chez les femmes, fort rare; et pourtant, elles apprécient beaucoup tout trait d'humour. Peut- être est-ce parce qu'elles n'en sont pas capables, la vie que les hommes leur auront imposée leur ayant enlevé toute envie de faire de l'humour.

L'humour suppose un certain esprit d'élévation, mais l'inverse n'est pas forcément vrai: Nietzsche avait certainement le sens de l'élévation, mais son humour était si agressif, si enragé que ce n'en était pas. Quel dommage!


On peut soupçonner les humoristes en général  de, sous prétexte d'humour, se moquer, non sans raison, il est vrai, des autres, dans le but de dissimuler leurs infirmités. Rares, très rares sont les vrais humoristes.

Un humoriste, c'est quelqu'un dont il ne sera jamais possible de dire  quand il faut le prendre au sérieux, non parce qu'il n'a pas l'esprit de sérieux, mais parce qu'il est toujours très austère, et, bien plus encore, quand il n'en a pas l'air.

Sunday, December 23, 2018

Toute forme de soumission, celle à la vertu exceptée, est nécessairement  avilissante et honteuse, et peut- être bien plus pour celui qui soumet que pour celui que l'on soumet, avec ou contre son gré.

La peur de l'insuccès est probablement la pire des lâchetés, c'est la peur de ceux qui, pour ne pas mourir, choisissent de ne pas vivre.

La vertu consiste en le refus d'attenter à l'être de l'autre, quel qu'il soit, non moins qu'en celui de céder à toute pression extérieure, celle venue, à son insu ou non, se loger au fond de soi comprise, mais à l'exclusion de toute pression qui ne serait, s'il y en a, que naturelle.

L'institutionnel est tout à fait indispensable; il n'y a même que cela, d'ailleurs, mais l'institutionnel, ce n'est pas l'institution, qui, elle, n'est que la momification de l'institutionnel et la consécration du dogmatisme, et d'avoir méconnu cela aura été la source de bien des malheurs, peut- être même de tous les malheurs imaginables.

On a tort de s'étonner que certains aient la conscience toujours tranquille; comment, en effet, auraient-ils la conscience tranquille, quand ils n'en ont même pas?

Si votre plus cher désir, c\est de, quoi que vous fassiez, pouvoir jouir de l'impunité la plus totale, vous devriez faire de la politique: vous n'y réussirez pas forcément, mais vous risquerez alors moins d'échouer.
Faute de ne pouvoir refaire sa vie, on s'efforcera au moins de ne pas refaire les même sottises dont on se sera rendu coupable et, si possible, de n'en pas commettre d'autres.

Il y a bien des catégories de gens à qui je demanderais s'ils n'ont pas honte de faire ce qu'ils font pour, comme on dit, gagner leur vie, mais je m'en abstiens, car le simple fait de leur adresser la parole me répugne, tant je crains d'en être sali.

De même que les gens croient aisément les mensonges les plus énormes, ils ne croient pas les crimes les plus monstrueux, ceux généralement perpétrés par ceux qui sont au pouvoir ou en sont proches.

Il est inexact que l'être humain soit un animal mimétique, car s'il est indéniable que la très grande majorité des êtres humains passent leur vie à copier, à répéter, à plagier, à mimer, à singer, il n'est pas moins indéniable que ceux qui ont appris à être intelligents et vertueux, et qui n'en finissent jamais d'apprendre à être intelligents et vertueux, ont en horreur d'imiter autant que d'être imités.

Sa propre compagnie l'ennuie, mais celle des autres ne, sauf exception, suscite chez lui que des réactions de mépris.

Les hommes politiques détestent les journalistes qui, quant à eux, les méprisent, mais ni les hommes politiques ni les journalistes ne lisent Huysmans, et, si d'aventure ils s'avisaient de le lire, gageons qu'ils n'y comprendront rien.

Saturday, December 22, 2018

La mort transforme de manière quasi définitive la vie de tous, celle des fumiers surtout qu'elle élève, pour des raisons que l'on aurait du mal à épuiser, même si on les connaît à peu près toutes, au rang de saints eux- mêmes. Il est heureux, cependant, que le futur antérieur de la mort, qui est le temps de la vérité du passé, ne soit pas la véritable épitaphe, l'épitaphe finale du salopard parti trop tôt, alors qu'on eût préféré qu'il vécût plus longtemps afin qu'il pût terminer ses jours le plus atrocement possible, dans la maladie, la honte et l'indifférence de tous. Néanmoins, c'est avec sa mort que commencera, pour lui, une autre vie; pas tout de suite, mais graduellement et de plus en plus sûrement, et l'on verra au grand jour enfin, pour le désespoir et le malheur des siens, affiché le tableau de ses turpitudes, prendra, de plus en plus connaissance du récit de ses vilenies et de ses crimes, cependant qu'approche à grands pas le moment où plus personne ne pourra s'empêcher de le mépriser et de se réjouir que sa présence ne souille plus aucun lieu, ne menace plus personne, ni rien non plus. Mais il faudra sans doute attendre longtemps, car quand passe de vie à trépas quelqu'un , très peu sont ceux qui s'interdiront, parce qu'ils en sont incapables, d'avoir pour lui une pensée émue, et la plupart auraient, par faiblesse, par lâcheté, tendance, à se rappeler le grand homme, intelligent et vertueux, que fut le porc qui vient de crever.