Friday, May 13, 2016

Faire mieux que les Anciens, c'est souvent, dans un premier temps. ce dont on est convaincu d'être capable et dont on ne se préoccupe même pas non sans quelque mépris; puis vient le moment où l'on s'en devine incapable; cependant, comme on n'est pas seulement con et nul, mais également lâche et malhonnête, on n'en veut rien savoir; plus tard, bien plus tard, parfois, et parfois seulement, on comprend, eût-on jusque-là vénéré les Anciens au point d'en faire des dieux,  à quel point ils, mais seuls certains d'entre eux, demeurent indépassés et sont, peut-être même, indépassables, non sans se dire cependant  qu'on peut, pourrait  faire aussi bien qu'eux, quoique différemment et l'on parvient alors à effectivement faire mieux qu'eux, mais ça n'arrive que très rarement.

Plus d'un grand penseur donne souvent l'impression d'être superficiel et trivial et il n'est pas du tout impossible que l'on n'ait pas tort de juger tel ou tel penseur médiocre et  insignifiant, mais il s'agit d'une médiocrité, d'une trivialité dont ne seront jamais capables la plupart des gens.

C'est l'ignorance et la suffisance, cette forme ultime de la sottise, qui empêchent de juger à leur juste valeur les grands penseurs; si on les lisait mieux, on les comprendrait moins et l'on saurait alors qu'ils ne sont pas si simples qu'ils en ont l'air, et cela s'applique encore plus aux poètes qu'aux penseurs, en admettant que tout vrai penseur  , Heidegger par exemple, ne soit pas également et en même temps poète, et que tout authentique poète, Hölderlin par exemple, ne soit pas en même temps grand penseur; mais il y a longtemps, très longtemps que les présocratiques l'avaient compris, cela.

En pensant l'Histoire de la philosophie depuis Platon comme celle d'un perpétuel déclin, Heidegger a à la fois raison et tort, mais seuls ceux qui n'ont rien compris à Nietzsche et qui ne voient ce que le mage de Messkirch doit au solitaire de Sils- Maria n'hésiteront à trouver que Heidegger se trompe et a tort.

Il est très difficile de penser, surtout si l'on croit savoir ce que c'est que penser.

Il faut pour penser un abri spécial, abri invisible que le penseur se construit et qu'il transporte partout, mais dont personne ne sait rien.


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