Il faut, pour écrire, avoir perdu absolument toute relation avec tout langage déjà existant, avoir atteint à un état de mutisme complet et d'amnésie totale: il faut, pour écrire, être devenu aphasique, comme tout écrivain le sait.
L'aphasie de l'écrivain est, si l'on veut, une maladie, mais il ne s'agit pas d'une pathologie au sens strict: cette aphasie-là, l'aphasie créatrice, qui se distingue de l'autre aphasie en ceci qu'elle ne s'installe jamais tout à fait une fois pour toutes et que l'on n'en guérit jamais vraiment, il la faut toujours, au prix d'un labeur extrême, reconquérir.
C'est parce que l'aphasie est une condition nécessaire de l'acte d'écriture, qu'il n'y a aucun sens à dire de tel ou tel écrivain qu'il écrit en telle ou telle langue, en anglais ou en français, par exemple: il écrit en une langue nouvelle qu'il aura inventée et ce n'est pas parce que d'aucuns la confondent avec telle langue qui leur est familière qu'il faut se laisser abuser.
Friday, October 31, 2014
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