Monday, May 16, 2016

De loin on voit mal, mais de près on ne voit rien.

On ne voit pas ce que l'on ne voit pas, personne n'en disconviendra, mais on ne voit pas non plus ce qu'on voit.

Avant le cinéma déjà, on savait que l'on ne voit pas, que l'on est incapable de voir ce qui est pourtant devant soi, mais le cinéma a certainement mieux souligné cette curieuse évidence qui continue à échapper à l'humaine attention la plupart du temps.

Le cinéma, même quand il se contente filmer l'événement, ne fait  pas que le reproduire: il révèle à proprement parler l'événement, voire le produit: mais seuls les authetinques cinéastes et ceux qui savent lire en sont conscients, et ils ne sont pas nombreux.

L'oeil de la caméra ne fait pas que regarder et reproduire: il interprète, il lit et écrit, et cela réserve bien des surprises au cinéaste lui-même qui découvre que le vrai cinéaste, ce n'est pas lui.

Le cinéma est avant tout une écriture, mais seuls quelques rares cinéastes particulièrement courageux et exceptionnellement lucides s'y essaient.



Sunday, May 15, 2016

Il faut, pour songer à se battre pour la justice, savoir qu'elle est impossible, et la justice n'a de prix qu'à ce prix.

Il n'y a que les enfants et ceux qui, l'âge nonobstant, sont demeurés enfants, qui sachent refuser l'injustice: ils n'ont pas encore été corrompus par les autres, par la vie.

Les enfants ne savent pas être malhonnêtes; ils sont tout au plus égoïstes; mais parfois seulement, tandis que les adultes, quoique pas tous, savent être malhonnêtes tout le temps, et même quand ils cherchent à faire preuve d'honnêteté.

Une vie gâchée, dilapidée, salie, il n'y a rien de plus triste que cela.

Le courage est assurément la plus haute des vertus, mais le courage est rarement ce que l'on croit.

Ceux qui louent le courage dans l'adversité ne savent pas qu'il n'y a de courage que dans l'adversité.






Si la politique traite du vivre ensemble, la métapolitique, en tant que dépassement de la politique, ne peut avoir pour champ qu'un vivre avec qui serait également un vivre sans.

Réaliser une bonne action dans l'espoir d'une récompense, c'est peut-être pire encore que de commettre une vilaine action.

Les victimes de l'injustice sont nombreux à rêver du moment où ils auront enfin la chance de brandir le fouet de l'injustice.

On souhaiterait que le pouvoir fût juste, mais le pouvoir ne se savoure que dans l'impunité et on ne peut avoir le sentiment de jouir de l'impunité que si l'on commet une action particulièrement révoltante.

La peine capitale appliquée à un criminel, mais pour un crime qu'il n'a pas commis, voilà qui pourrait convaincre de l'existence d'une justice suprahumaine.

Une indifférence savamment calculée et travaillée au point de passer pour de l'indifférence pure, c'est peut-être la forme superlative de la vengeance.

Friday, May 13, 2016

Faire mieux que les Anciens, c'est souvent, dans un premier temps. ce dont on est convaincu d'être capable et dont on ne se préoccupe même pas non sans quelque mépris; puis vient le moment où l'on s'en devine incapable; cependant, comme on n'est pas seulement con et nul, mais également lâche et malhonnête, on n'en veut rien savoir; plus tard, bien plus tard, parfois, et parfois seulement, on comprend, eût-on jusque-là vénéré les Anciens au point d'en faire des dieux,  à quel point ils, mais seuls certains d'entre eux, demeurent indépassés et sont, peut-être même, indépassables, non sans se dire cependant  qu'on peut, pourrait  faire aussi bien qu'eux, quoique différemment et l'on parvient alors à effectivement faire mieux qu'eux, mais ça n'arrive que très rarement.

Plus d'un grand penseur donne souvent l'impression d'être superficiel et trivial et il n'est pas du tout impossible que l'on n'ait pas tort de juger tel ou tel penseur médiocre et  insignifiant, mais il s'agit d'une médiocrité, d'une trivialité dont ne seront jamais capables la plupart des gens.

C'est l'ignorance et la suffisance, cette forme ultime de la sottise, qui empêchent de juger à leur juste valeur les grands penseurs; si on les lisait mieux, on les comprendrait moins et l'on saurait alors qu'ils ne sont pas si simples qu'ils en ont l'air, et cela s'applique encore plus aux poètes qu'aux penseurs, en admettant que tout vrai penseur  , Heidegger par exemple, ne soit pas également et en même temps poète, et que tout authentique poète, Hölderlin par exemple, ne soit pas en même temps grand penseur; mais il y a longtemps, très longtemps que les présocratiques l'avaient compris, cela.

En pensant l'Histoire de la philosophie depuis Platon comme celle d'un perpétuel déclin, Heidegger a à la fois raison et tort, mais seuls ceux qui n'ont rien compris à Nietzsche et qui ne voient ce que le mage de Messkirch doit au solitaire de Sils- Maria n'hésiteront à trouver que Heidegger se trompe et a tort.

Il est très difficile de penser, surtout si l'on croit savoir ce que c'est que penser.

Il faut pour penser un abri spécial, abri invisible que le penseur se construit et qu'il transporte partout, mais dont personne ne sait rien.


Monday, May 9, 2016

Ils connaissent toutes les réponses, car ils ne se posent aucune question.

Trop occupé à gagner sa vie, à safisfaire ses besoins, à s'acquitter de ses devoirs et obligations, et à travailler à la réalisation de ses ambitions personnelles et mondaines, il s'était transformé en un véritable déchet ambulant, mais n'en avait aucunement conscience et croyait, ce dont il ne se privait guère, pouvoir se vanter de ce qu'il était devenu.

Tout grand criminel rêve de commettre au moins une grande et noble action et il arrive même à chacun d'entre ces grands criminels de croire qu'il a, qu'il aura effectivement réussi à réaliser la grande et noble action au moyen de laquelle il pensait probablement faire oublier sa bassesse, mais c'est, il le faut espérer, peine perdue.

L'être humain rêverait-il d'immortalité s'il ne se savait éphémère et insignifiant?

Insatisfait de soi-même, on cherche à plaire aux autres, et incapable de plaire aux autres, on se replie sur soi, sur l'image irréelle qu'on s'est faite de soi.

On n'admire jamais que des êtres inexistants, des fantômes, et on n'a peut-être pas tort.







Sunday, May 8, 2016

On n'en fait jamais assez pour les siens et toujours trop pour les autres, et on ne se doute  pour ainsi dire jamais de rien.

Ne jamais rien accepter d'autrui, même quand c'est, comme on dit, offert de bon coeur et sans qu'on ait demandé quoi que ce soit: c'est trop dangereux, d'autant plus dangereux que c'est probablement impossible.

Rationaliser! Y eut-il jamais d'entreprise  moins rationnelle que cela?

Une pensée purement (sic) originale n'est sans doute pas impossible, mais il n'y aura que son auteur pour l'identifier, la lire, la comprendre.

A défaut d'une pensée purement et rigoureusement originale, on s'efforcera, comme l'ont, entre autres, fait tant de poètes, de peintres, de musiciens, d'en bâtir une qui soit quasi originale, mais sans jamais s'en donner pour heureux.

Il ne sera jamais aisé à quiconque redoutant de souffrir et craignant de mourir de vivre dans l'honneur et la dignité.








Un homme intelligent sait qu'il n'a rien à attendre de la vie et doute de pouvoir s'atteendre à mieux de la mort.

L'être humain souffre tantôt de ne pas réaliser les désirs qui le taraudent le plus brutalement, tantôt de les assouvir; et dire que ces désirs qui le font tant languir ne sont même pas les siens propres.

Le sujet humain n'existe pas vraiment; il croit seulement exister, ou plutôt, comme le disait merveilleisement Lacan, il ex-siste.

C'est quand on n'a plus beaucoup de temps à vivre que l'on se rend compte que l'on n'a pas fait grand-chose de sa vie, ,mais il faut pour cela beaucoup de lucidité.

La volonté de pureté, de hauteur n'est possible que si l'on a le sentiment, vrai ou faux, d'être sale et ignoble, mais il est exceptionnel qu'en soient atteints ceux qui sont vraiment abjects et puants.

On ne vit vraiment, si l'on vit, qu'en dehors du monde, dans une espèce de néant , et tout le reste n'est que pourriture; mais comment acccepter qu'il en puisse être ainsi?

Sunday, May 1, 2016

Dépasser, tuer l'être humain en soi, mais sans régresser ni digresser dans le sens de l'inhumain, dans le sens de la dureté: telle est la tâche qui attend tout vivant humain et dont très peu, en admettant qu'il y en ait, sont capables.

Un jour peut-être, les êtres humains auront honte de leur condition d'être humain et ce sera probablement alors le signal du début de la plus grande révolution de tous les temps, de cette révolution dont seuls les penseurs et les artistes auront jusque-là su concevoir le projet désormais accessible aux autres pour s'être, grâce à l'oeuvre des penseurs et des artistes justement, transformés en prenant conscience de la honte de leur condition.

La société, la société moderne surtout, mais non moins peut-être toute société, fait obstacle à toute forme de vie communautaire, voire, encore qu'il ne soit guère assuré que la famille, quelle qu'en soit la réalité empirique ou conceptuelle, précède l'avènement de la communauté, à toute vie familiale; les premiers hommes étaient, semble-t-il, différents, car eux vivaient en communauté.

Une bonne action, est, étant donné qu'elle transforme le bénéficiaire en débiteur et le contraint à de l'ingratitude, sans qu'on s'en doute, une bien mauvaise et vilaine action, sauf peut-être entre parents et enfants, entre frères et soeurs, et entre ceux que l'amour unit.

Pour les êtres humains en général, une chose est fondamentalement bonne ou mauvaise: ils sont incapables de transcender cette opposition ou cette dialectique entre le bien et le mal; ce sont des dégénérés, des êtres inférieurs. Il faut en finir avec les êtres inférieurs en éliminant toute infériorité chez eux.

L'être humain est une pathologie qui ne saurait être guérie que par des êtres surhumains: vienne le Surhomme.
Una dies sine linea! Quid pudor est! Et tamen...

Une suite ininterrompue de catachrèses, les unes volontaires, les autres inconscientes, d'hyperboles, et donc de litotes, rarement perçues pour ce qu'elles sont,  d'antiphrases que l'on parvient à peine à identifier, alors que l'on ne pourrait s'en dire innocent, de synecdoques et de métaphores qui n'engendrent que des illusions et des contresens, la vie ne serait donc qu'un processus rhétorique?

Bien des gens tiennent au respect des autres, alors qu'ils ne se manifestement respectent eux-mêmes: il leur faut bien trouver quelque compensation.

Il faut pouvoir refuser absolument tout contact avec les gens malhonnêtes et ce n'est guère chose facile.

Dans la société des êtres humains, il faut parfois dire la vérité, souvent mentir, et toujours tromper, si toutefois l'on tient à survivre et à triompher.

PLus d'une bonne action est animée de bien mauvaises intentions, mais il est fort rare que l''on s'en aperçoive.