Saturday, May 31, 2014

D'apprendre que la personne que l'on admirait est en fait un plouc et que celle que l'on traitait de haut est véritablement un génie, c'est comme si l'on, s'agissant d'un homme, découvrait que la femme que l'on aime est un homme, ou que, pour une femme, l'homme que l'on adore est un pédéraste, et cela est si affligeant que, plutôt que d'avouer leur incroyable méprise, d'aucuns (la plupart des gens?) préféreront encore, quand ils ne nieraient, avec la férocité d'un voleur constatant qu'il vient de se faire subtiliser le fabuleux butin qu'il avait dérobé non sans prendre une balle en pleine poire, s'être jamais extasiés face à un sot, ou avoir eu du mépris pour un être supérieur, persister dans l'erreur, rien n'étant plus difficile à un imbécile que d'avoir à admettre s'être comporté comme un imbécile et de reconnaître l'indignité de sa situation, et il choisira de  continuer à vivre comme un con, dans l'abjection la plus lamentable, convaincu, parce qu'il aura toujours vite fait d'oublier l'ampleur de sa turpitude personnelle, que les autres de rien ne s'apercevront, comme si cela devait changer quoi que ce soit à un état d'arriération qu'un minimum d'honnèteté et de courage eût peut-être contribué à réduire, sinon à éliminer.

Qu'est-ce qu'on peut avoir honte de reconnaître qu'on a honte de ce qu'on a pu faire ou dire et, surtout, de ce qu'on a pu, au fond de soi, penser? Mais peut-être ne veut-on pas être guéri de cette honte-là.

L'humilité n'est pas qu'une vertu; elle est même parfois pire qu'un vice, quand, par exemple, elle se fait, certes involontairement-----mais ce n'est point là une excuse....., complice, par son hésitation à réagir et à agir, de la domination ou de l'oppression.

Tuesday, May 27, 2014

Un penseur n'exprime pas d'opinions; il n'en a pas: sa tâche, à lui, c'est de dé-couvrir, de révéler le réel que la réalité recouvre d'un voile invisible.

Un orateur, c'est peut-être même le contraire d'un penseur, mais qui s'en voudrait aviser?

Il faut à la pensée, au penser, le silence, et c'est au silence que conduit le penser de la pensée.
Ceux qui vont  au cinéma pour fuir la réalité, très souvent demandent en même temps au cinéma d'être un reflet de la réalité.

De manière générale, quand le cinéma s'inspire de faits réels, ils ont, les faits en question, l'air faux, en tout cas exagérés, et il est normal qu'il en soit ainsi, vu qu'il s'agit de cinéma, mais, par contre, le cinéma est plus convaincant (quoique pas forcément plus, comme on dit, réaliste) quand il propose une oeuvre de fiction, et c'est peut-être parce que la fiction contribue bien plus qu'on ne le soupçonne à la structuration de la réalité.

Il peut arriver que le cinéma propose l'image d'un ailleurs où l'on se dit que l'on se rendrait bien, mais le problème, c'est qu'ailleurs est un lieu où l'on n'arrive jamais.

Le cinéma ne capte pas le réel, comme voudraient le croire les flics, les journalistes, les avocats, les magistrats, les juges et les ignorants en général, mais le transforme; cependant, seuls les vrais cinéastes le savent, cela.

Le cinéma n'a pas pour fonction de montrer le visible, mais ce qui est et, pourtant,échappe à la vue, quand il ne procède pas à une construction du visible.

Au fond, le cinéma, le cinéma muet, ou plutôt le mutisme du, au cinéma, s'adresse, de même que la peinture, la sculpture et l'architecture, bien plus à l'oreille qu'à l'oeil: pour peu qu'on sache regarder un film, un tableau, une sculpture, ou même un paysage, c'est le silence qu'on entend et le bruit qui en émane.



Comment être libre aussi longtemps qu'on ne s'est pas mis au-dessus du circuit, que suppose toute configuration sociale apparemment,  de l'échange?

Tout le malheur de l'Humanité provient probablement  du fait que trop souvent la plupart des hommes croient que les autres sont comme eux.

Seul un être inférieur peut s'amuser à croire, y prenant même plaisir, que les autres sont comme lui et qu'il ressemble, lui aussi, aux autres.

Sunday, May 25, 2014

Tout écrivain sur une page blanche écrit et tout lecteur lit également une page blanche.

Penser, parler, écrire n'ont de sens que s'ils correspondent à des actions concrètes; rien de devrait séparer la pensée de l'action.

Il est certaines activités qui rendent bête et parmi elles, les plus dangereuses sont celles qui encouragent  celui qui s'y livre à se croire intelligent.


Il refuse d'admettre qu'il a pu se tromper, mais c'est sans doute parce qu'il n'ignore pas s'être trompé  et qu'il a la naïveté de croire qu'en se lançant dans l'apologie de son erreur, il finira, sinon par avoir raison, du moins par faire croire au plus grand nombre qu'il a raison.

Un politique, et, à plus forte raison, un politicien, est bien obligé de mentir ou de nier certains faits; surtout en public, mais qu'il éprouve le besoin de le faire en privé, vis-à-vis de ceux dont il n'a, n'aurait rien à redouter, est plutôt inquiétant, à moins qu'un politicien ne doive toujours de tout le monde se méfier.

Quelqu'un qui est toujours sincèrement convaincu d'avoir raison, d'être dans le vrai ---le cas n'est pas rare--- ne peut être qu'un débile mental absolu.

Saturday, May 24, 2014

Ecrire, non pas raconter, ce bien vulgaire souci d'exhibitionnisme, sinon, pire, volonté de voyeurisme, ni décrire, comme si cela pouvait être possible et qu'il pût y avoir quelque intérêt à de quoi que ce soit, de tel ou tel objet, réel ou non, proposer la réduplication feinte à l'attention admirative ou déçue de badauds taraudés par le besoin de sortir d'un réel encore inexploré en quête de consolations dont ils font semblant d'ignorer qu'elles sont porteuses de bien plus de frustrations encore que ce qu'ils en vain tentent de fuir, ni, encore, argumenter, suprême exercice d'autoabaissement consistant, en définitive, à réaliser, quand cela serait, la consécration de sa supériorité toute personnelle à la faveur de raisonnements souvent futiles et en s'appuyant sur des travaux qui toujours, eux-mêmes, à d'autres empruntent les ressources dont on alors sans vergogne abuse, ni surtout s'exprimer, ce délassement de névrosés assez naïfs pour oser croire que leurs problèmes, leurs sentiments ou émotions, puissent passionner qui que ce soit, et trop bêtes pour comprendre que ce à quoi ils s'adonnent n'est guère différent d'un onanisme pratiqué sur la place publique, mais s'efforcer, sans jamais un instant croire l'opération possible même, d'entrer en relation avec les êtres et les choses de manière telle que l'intégrité présumée de leur altérité demeure, au plus fort même de tout contact, inviolée, cependant que, s'affranchissant du passé, on oeuvrerait en vue de l'engendrement de son être à soi en se soustrayant à toute influence externe, en se protégeant contre toute atteinte, non moins que contre la plus innocente innocuité,, cela seul, oserai-je suggérer, n'a de sens dans le cadre d'une vie, et il ne s'agit peut-être pas de la seule vie humaine, cela seul peut, à condition que l'on sache à quoi s'en tenir, promouvoir le respect d'autrui, quel qu'il soit, et garantir la pérennisation de la paix sur cette terre des hommes, que la plupart du temps on s'acharne, dans un aveuglement qu'il serait juste de proclamer volontaire, à polluer en raison d'un égoïsme dont on chercherait inutilement l'équivalent  ailleurs que chez l'animal humain, le seul sans doute à pouvoir souffrir non seulement de tout ce qui n'est pas lui, mais même de lui, cette erreur, cette monstruosité qui cessera peut-être d'en être une à partir du moment où elle aura compris qu'il lui faut toujours apprendre et réapprendre à lire, à écrire, à réécrire, mais si cela arrive et quand cela arrive, on en aura alors probablement fini avec l'être humain, et ce sera sans doute tant mieux.

Vivre en la compagnie des êtres humains, avec eux, chez eux, parmi eux, seul un être humain serait assez fou pour cela.

Il y a , dans la société des êtres humains, des êtres qui ont seulement l'air humain, mais ce sont en fait des êtres supérieurs, dont on ne s'aperçoit guère  qu'ils vivent à côté ou au-dessus des autres, et il n'y a peut-être là rien à regretter.
La lecture, qui, quand elle est à l'oeuvre, est travail de réécriture et même d'écriture, suppose l'effacement et le maintien du texte, cependant qu'elle s'abîme dans la contemplation d'une page toujours blanche, toujours vide, et de l'ignorer, cela, on croit seulement lire, alors qu'on ne fait ronfler.

Que la lecture soit un exercice désespéré, voir impossible, c'est ce que tous les grands écrivains, qui sont également de prodigieux lecteurs, ont toujours compris, mais les écrivains eux-mêmes sont rares et les grands écrivains bien plus encore.

Vienne le jour où tout le monde saura lire, ou du moins celui où les analphabètes  douteraient de leur capacité à lire.




Thursday, May 22, 2014

Ce n'est pas toujours après coup, une fois tel geste accompli et, le plus souvent, bien longtemps après, dans la remémoration involontaire et incrédule de l'acte passé, que l'on se pénètre de l'énormité dont on s'est rendu coupable, mais, bien plus fréquemment qu'on n'accepterait de se l'avouer, c'est avant même la concrétisation vers laquelle pousse, irrésistible, certain réflexe, certaine impulsion, que l'on inexplicablement, encore qu'un certain mimétisme n'en soit point absent ----mais c'est ce mimétisme-là qu'il faudra alors expliquer ---- se laisse aller à telle action, dont pourtant on soupçonne, très clairement, avec une lucidité quasi diabolique, luciférienne, l'impardonnable gravité dans l'instant même où l'on y cède, comme si l'on était par moments (par moments? par moments seulement?) violemment attiré par la passion de commettre quelque action particulièrement répréhensible, afin, peut-être, de, comme l'on croit, s'affirmer, ou encore dans le but de s'inventer un prétexte pour pouvoir ultérieurement s'autoflageller et ainsi parvenir à s'exposer à la commisération d'autrui dont l'attention, alors mobilisée par l'élan qui l'anime, n'a d'yeux que pour les malheurs et les souffrances qui contribuent à la glorification, voire à la sanctification de son abjection à soi, et tout cela est désespérément lamentable.

On croit s'absoudre de toute faute, se décharger de toute responsabilité en invoquant le fait de n'avoir point, en commettant une action qui, indubitablement, mérite d'être condamnée, agi exprès, mais qui avouera n'avoir point effectué volontairement une bonne et noble action?

Si la faute commise involontairement, inconsciemment,  demeure inexcusable, le bienfait accompli sans le savoir demeure alors  également louable, mais le seul bienfait; et peut-être pas le bienfaiteur également.

Il est si (naturellement?) vertueux qu'il n'a pas conscience de l'être; il ressemble en cela à cet individu qui est tellement méprisable qu'il ne peut que se croire vertueux.

 Quand le Pouvoir sert surtout à dominer, c'est qu'il est exercé par des voyous et des bandits.

On s'étonne, mais à tort, de ce que les gens d'église n'aient aucune considération pour les malheurs d'autrui, pour ceux des petites gens surtout: ils n'ont de temps que pour leur église et pour ceux qui en garantissent la survie et l'autorité, pour les riches et les puissants surtout.

La plupart des gens sont si débiles et ignorants qu'un individu passablement médiocre pourrait, pourvu qu'il soit suffisamment malhonnête, passer pour un foudre d'intelligence, mais à moins qu'on ne soit inimaginablement riche, on passera difficilement, le fût-on réellement, pour riche, sauf aux yeux de ceux qui, ayant conscience, fût-ce à tort, d'être extrêmement pauvres, trouvent que pratiquement tout le monde est, eux exceptés, riches.




Wednesday, May 21, 2014

On commet, en s'évertuant à être intelligent, d'énormes et incalculables sottises, et même des crimes épouvantables, surtout si on est un pauvre ignorant doublé d'un imbécile, ce qui est probablement le cas pour la plupart des gens.

L'optimisme rend ridiculement bête, mais c'est parce qu'au fond on ne sait pas ce que c'est, et que, quand on le saurait, on ne sait pas comment être optimiste: quand l'optimisme n'est tempéré par le l'angoisse ou/et le désespoir, il ne peut qu'être une expression, de surcroît bien superficielle, de naïveté.

Tout ce qu'il pense, dit et fait le désigne clairement pour ce qu'il est, mais d'aucuns persistent à le vénérer, ce qui étonne plus d'un, et ils ont tort.


Qui cherche à d'abord plaire aux autres, au public, ne peut que donner une oeuvre médiocre; c'est malgré lui, sans le vouloir que le grand écrivain, le peintre de génie plaisent.

Le succès d'une oeuvre ne réjouira son auteur que  s'il n'a dans la tête que des préjugés, car tout succès est, sauf exception, le fruit répugnant d'un malentendu.

L'homme de génie ---on peut penser à Mozart, à Picasso, à Andersen---connaît le succès grâce à la réussite, les autres, grâce à leur popularité, mais on croit qu'il s'agit de la même chose.

Tuesday, May 20, 2014

On n'écrit véritablement que sur une page blanche, entièrement blanche, et cela n'arrive pas souvent; cela n'arrive peut-être même jamais.

Un être humain ne commence à vivre qu'à partir du moment où il devient son propre créateur; jusque-là, il ne fait que pré--vivre.

On ne vit sa vie à soi que si l'on a pu se libérer de tout et de tous; en attendant, on, dans le meilleur des cas et en admettant passée la phase de la pré-vie, survit.

Monday, May 19, 2014

Ce que l'on affirme être des convictions personnelles ne sont, la plupart du temps, aucunement des convictions et n'ont rien de personnel: ce sont tout au plus des préjugés hérités dans l'enthousiasme et la cécité.

Il n'y a peut-être rien de plus difficile qu'une pensée toute personnelle, même quand on y songe et y travaille, et si tant est que l'on en est soit capable, surtout qu'il n'est même pas sûr que l'on pense jamais, mais allez expliquer c'la aux autres!

Un être qui pense, c'est si rare, si exceptionnel, qu'on ne peut, semble-t-il, que se méprendre, quand on n'en rencontre un, et quoi de surprenant  chez ces amoureux des figures de rhétorique que sont les êtres humains?

Saturday, May 10, 2014

Un imbécile est toujours convaincu de faire quelque chose de bien, même quand il commet une action horrible ou prononce des paroles blessantes; seules les personnes intelligentes  doutent toujours  d'avoir raison, ne sont  jamais assurées de réaliser une noble action.

La compagnie d'un être intelligent ne rend pas forcément intelligent, mais celle d'un imbécile rendra toujours bête.

Un être intelligent pousse les autres à s'améliorer, à se dépasser, alors même qu'il, parce qu'il les convainc de leur médiocrité: Salieri doit probablement à Mozart d'avoir composé une oeuvre moins insignifiante.


Wednesday, May 7, 2014

Tout est beau, sauf peut-être les êtres humains, surtout ceux d'entre eux qui ne savent plus ce que c'est que l'enfance.

Un être humain qui a fini par oublier l'enfant au fond de lui, qui l'a donc tué, n'est pas un être humain, n'est même pas un animal et est pire qu'une bête féroce elle-même.

Vivre, c'est véritablement écrire et lire; il n'est pas sûr que ceux qui n'écrivent ni ne lisent vivent vraiment; et en même temps, ils sont extrêmement nombreux ceux qui croient lire et écrire, mais qui, en fait, ne font suer, cependant qu'ils font suer les autres.

Sunday, May 4, 2014

Il est très difficile d'écrire, de penser, tout en parlant, tout en agissant, mais il est des personnes absolument exceptionnelles dont chaque parole, chaque geste, chaque action sont, en fait, des mouvements d'écriture, de pensée; seuls ceux qui savent lire, et ils ne sont guère nombreux, savent les reconnaître pour ce qu'ils sont, pour des êtres supérieurs.

Quelqu'un qui est authentiquement supérieur l'est en tout ce qu'il fait, le geste le plus anodin étant chez lui une expression de génie, et cela n'a certainement pas échappé à Stendhal qui parle d'une femme descendant d'une calèche, ou marchant, avec génie.

Un être supérieur n'éprouve ni le besoin d'impressionner, ni le désir de dominer; il y a pour cela des sots.


Saturday, May 3, 2014

C'est toujours après coup, dans l'incrédulité et la honte, que l'on se rend compte, si et quand cela arrive, de sa naïveté et de son abjection à soi à divers moments de son existence, mais il semble qu'il ne soit qu'à certains réservé de vouloir effacer la souillure venue se poser sur leur être.

La plupart des êtres humains n'ont même pas conscience de leur bassesse ou n'en veulent rien savoir---n'est-ce pas au fond la même chose?--, mais, même quand ils n'en sont pas responsables, ils en sont toujours au moins un peu responsables, car on ne saurait jamais être innocent de ses turpitudes à soi, quelles qu'en puissent être les causes.

La paresse et la lâcheté sont peut-être les pires péchés dont tout être humain pourrait se rendre coupable, car ce sont avant tout des atteintes à sa propre dignité à soi.