Il est assurément humiliant, honteux même d'être humilié, de se faire humilier, de se laisser humilier, d'accepter des humiliations, mais,ô combien plus humiliant encore d'humilier, d'infliger, fût-ce malgré soi, des humiliations, d'humilier qui que ce soit.
Quand tu auras insulté et humilié quelqu'un, dis-toi bien que tu auras beau faire, que tu auras beau te flageller, tu ne pourras jamais, quand tu serais amené, la plupart du temps bien plus tard , quand la victime de ton ignominie a probablement oublié ta bien répréhensible action, expier la terrible action que tu auras, dans un moment d'égarement peut-être, involontairement parfois, commise non sans éprouver quelque plaisir sur l'instant, non sans en être fier aussi, et même si tu ne t'en es pas encore aperçu, sache que tôt ou tard viendra le moment où tu te pénétreras, dans la honte et l'horreur, de ton insondable bassesse, et tu pourrais te laisser dire qu'il te suffirait de faire amende honorable, de compenser tes mauvaises actions par des gestes d'admirable générosité, mais rien n'y fera, car c'est jusqu'à la fin de ta misérable existence, que tu auras à toujours expier, à te toujours flageller , sans pouvoir, cela nonobstant, accéder à la l'improbable grâce d'une inaccessible rédemption.
Quand quelqu'un se vante de ses turpitudes, ce n'est pas simplement parce qu'il est trop bouché pour avoir conscience de bassesse, mais c'est peut-être parce qu'il se rend bien compte qu'il n'est qu'une pourriture et cherche à le faire oublier ou à l'oublier lui- même.
Il y a presque autant de naïveté à croire que l'on peut se faire pardonner, qu' à vouloir pardonner, qu'à accepter de pardonner, car, en vérité, le pardon est impossible, et c'est pour cela qu'il faut qu'on n'en finissse jamais de chercher à se faire pardonner, parce que même là , on ne pourra bénéficier de quelque pardon, quand bien même l'offensé aurait choisi de vous pardonner, ce dont il n'est pas moins incapable.
Le pardon, au sens courant de ce terme, peut être une redoutable, encore qu'involontaire, arme de vengeance, quand, par exemple, quand il aggrave le sentiment de culpabilité de l'autre.
Je tiens à t'excuser, à te pardonner - ce dont je me sais incapable et qu'en fait je ne cherche même pas à faire -, mais c'est pour te faire sentir et comprendre au fond de ton être ignoble à quel point tu es quelqu'un de méprisable; alors ne me remercie pas. Ce n'est pas bien beau ce que je fais; mais tu ne devineras jamasi le plaisir que j'y prends. ( Propos d'un homme de bien)