Saturday, December 22, 2018

La mort transforme de manière quasi définitive la vie de tous, celle des fumiers surtout qu'elle élève, pour des raisons que l'on aurait du mal à épuiser, même si on les connaît à peu près toutes, au rang de saints eux- mêmes. Il est heureux, cependant, que le futur antérieur de la mort, qui est le temps de la vérité du passé, ne soit pas la véritable épitaphe, l'épitaphe finale du salopard parti trop tôt, alors qu'on eût préféré qu'il vécût plus longtemps afin qu'il pût terminer ses jours le plus atrocement possible, dans la maladie, la honte et l'indifférence de tous. Néanmoins, c'est avec sa mort que commencera, pour lui, une autre vie; pas tout de suite, mais graduellement et de plus en plus sûrement, et l'on verra au grand jour enfin, pour le désespoir et le malheur des siens, affiché le tableau de ses turpitudes, prendra, de plus en plus connaissance du récit de ses vilenies et de ses crimes, cependant qu'approche à grands pas le moment où plus personne ne pourra s'empêcher de le mépriser et de se réjouir que sa présence ne souille plus aucun lieu, ne menace plus personne, ni rien non plus. Mais il faudra sans doute attendre longtemps, car quand passe de vie à trépas quelqu'un , très peu sont ceux qui s'interdiront, parce qu'ils en sont incapables, d'avoir pour lui une pensée émue, et la plupart auraient, par faiblesse, par lâcheté, tendance, à se rappeler le grand homme, intelligent et vertueux, que fut le porc qui vient de crever.

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