Tuesday, August 6, 2019
Le bavardage, la discussion , surtout celle qui se veut intelligente et qui, médiocre, ne parvient qu'à être fade, monotone, banale et ridicule, et peut-être le soliloque aussi, non pas le soliloque en public et à haute voix qui provoquerait l'étonnement des passants, qui ferait sourire gentiment ou rire méchamment, qui inciterait même d'aucuns à réclamer l'intervention des forces publiques, des flics surtout, mais le soliloque muet, silencieux, et constant que l'on ne devinerait jamais, qu'aucun signe ( un visage austère, un front plissé par quelque effort monstrueux, un regard dont la fixité glacerait de terreur, si la tête, basse et tournée vers le seul sol, n'en faisait rien voir) ne permettrait de soupçonner, ne sont probablement rien d'autre que de lamentables tentatives de se convaincre qu'on est capable de réfléchir, de penser, de même que la lecture des journaux sert, surtout aux imbéciles et aux demeurés, à montrer qu'ils ne s'intéressent qu'aux sujets sérieux, tels que la politique, les faits divers, la publicité , à des cochonneries en fait, auxquelles il faudrait maintenant, comme s'il n'y en avait pas déjà assez (de ces cochonneries) qui stérilisent toute activité propre à élever, ajouter la radio, la télévision, le cinéma, du moins l'usage qui en est fait par presque tout le monde, à commencer par ceux qui ont ou auraient quelque chose à y gagner, non moins que par ceux qui croient devoir en quelque profit tirer et qui finiront bien par comprendre qu'on les a eus, qu'ils se sont fait avoir comme des bleus, comme des ploucs, lequel (usage), plongeant dans un somnambulisme quasi permanent devenu le mode d'existence routinier et comme obligé de presque tous, sauf à de rares moments que leur concèdent de brusques et trop rapides réveils occasionnés par quelque mystérieux aiguillon qu'il est leur est plus facile et surtout confortable d'ignorer afin de pouvoir continuer de paisiblement ruminer, de travailler comme des bœufs, de se comporter comme des singes et de vivre comme des porcs, s'en réjouissant, tout en se vantant d'être des êtres humains, comme si l'on pouvait se vanter d'être un être humain, de n'être qu'un pitoyable et grotesque saltimbanque sur la scène bruyante et morne de l'existence dont le vide est à peine camouflé par les rires qui en proviennent et les gémissements qui en émanent, les seuls témoignages peut-être de quelque activité, de quelque présence, cependant que les forces naturelles, les plantes et les animaux continuent comme devant, selon toute apparence aucunement inquiétés par le passage du temps, indifférents au fardeau qui s'alourdit des ans, que rien ne justifie et ne personne excuse, à moins que (hypothèse douteuse qui, quand elle serait digne d'être retenue et acceptée, ne le pourrait être pendant plus de quelques secondes d'égarement) l'être humain ne soit qu'une monstrueuse erreur, une erreur qui mérite d'être rectifiée, qui doit, mieux encore, être éliminée, afin que puisse naître un être nouveau, l'être surhumain ou parhumain, car l'être humain n'a que trop duré et il faut bien que l'on se résolve à en finir avec cette pourriture qui n'en finit de tout salir, de tout corrompre, avec cette pourriture dont la seule existence est une anomalie qui, ô ridicule, ose se prétendre enfant de Dieu fait à son image, car il le sait, lui, qu'il est à l'image de Dieu, qu'il est une créature de Dieu et peut-être l'a-t-il déjà rencontré et va-t-il le voir de temps à autre pour discuter un brin, pour boire un coup, pour jouer aux cartes, avant qu'ils ne se séparent après de violents échanges de coups de poing, de coups de pied et d'invectives, mais encore faut-il, pour que tout cela se confirme, que Dieu ne soit pas, qu'une espèce de nigaud qui passe son temps à s'ennuyer, à jouer aux billes et c'est là une hypothèse tellement horrible qu'on préférerait encore croire que Dieu, qu'un tel dieu en tout cas, n'existe pas, ne peut pas exister, ne doit pas même exister, hypothèse plus pénible certes à digérer, mais, semble-t-il, moins dramatique à composer avec, compte tenu de la prodigieuse rapidité et de la déconcertante facilité avec lesquelles la plupart finissent par, sans même s'en rendre compte, l'intérioriser, sans doute parce que l'être humain, qui est incapable de vivre sans avoir des dieux, des idoles, des fétiches à adorer, se passe fort aisément de Dieu dont il n'a que faire, surtout qu'il a depuis longtemps cessé de croire en Dieu, depuis qu'il ne voit pas du tout à quoi peut servir ce Dieu perpétuellement absent devenu étrangement inactif après s'être amusé à confectionner l'horloge parfaite par excellence (parfaite jusqu'à ce que vînt Newton) du monde, qu'est le monde, mais se trouve alors contraint de s'en remettre à n'importe quoi, au sort, au hasard, à la chance, à n'importe qui, aux autres, aux siens peut-être ou surtout, à soi-même, voire au Diable, à un dieu diabolique par ses propres soins et en fonction de ses craintes, de ses fantasmes confectionné dans un but à la fois apotropaïque et sotériologique, un père malveillant étant en mesure d'être bien plus bienveillant encore qu'un père bienveillant, vu que le père bienveillant n'est capable de rien, d'autant plus qu'entre-temps il faut bien, à moins qu'on n'ait la lucidité et le courage, ou la sottise de se suicider, vivre, survivre plutôt, exister à l'instar d'une chose, d'une espèce de plante, d'un animal ou, pire encore, d'un animal humain qui ne sait que se montrer autoritaire ou obéissant, tout juste bon à travailler, à fonder une famille, à respecter, comme on dit, les lois, fussent-elles injustes, oppressives, révoltantes et scandaleuses, comme le sont les lois, toutes les lois bien souvent, sinon toujours, quand elles sont conçues par des voyous, des analphabètes, des alcooliques, des habitué (e)s des fumeries d'opium, des proxénètes, des flics, des minus ou/ et par leurs complices, leurs admirateurs, leurs laquais, leurs hommes de main, celles et ceux ayant appris et maîtrisé l'art de se prosterner, de ne dire en permanence que "Oui, Monsieur, oui Monsieur" , celles et ceux qui s'empressent d'applaudir à chaque fois que les puissants éternuent, tout juste bon également à fréquenter des églises pour se gaver de platitudes que débitent des débiles mentaux, à chanter la gloire (inexistante) de la Patrie, à faire l'éloge de salauds, de meurtriers, de cannibales, ou alors à regarder la télévision, à écouter la radio, à lire le journaux ou les magazines de mode, certains livres qui salissent les poubelles quand on les y jette, pour pouvoir ensuite bavarder, discuter, échanger comme on dit maintenant, s'imposer, avoir l'occasion de se croire intelligent et cultivé, surtout si on n'est ni intelligent ni cultivé, et qu'importe si les autres n'en sont pas convaincus, étant donné qu'ils ne peuvent qu'être des sots dès lors qu'ils ne sont pas convaincus, à moins qu'il ne s'agisse d'autre chose, qu'il ne s'agisse de jouissance, de cette jouissance dont on ne sait rien, dont il n'y a rien à savoir, dont on n'a pas le moindre souvenir, pour ceci qu'on ne saurait avoir conscience d'en faire l'expérience, probablement parce que, et on doit à Lacan de l'avoir appris, "là où ça parle, ça jouit et ça ne sait rien" ou ( mieux encore?) parce que si- et c'est Leclaire, l'élève de Lacan, qui prend maintenant le témoin-" celui qui dit par son dit, s'interdit la jouissance", "celui qui jouit corrélativement fait s'abolit tout mot, tout dit possible dans l'absolu de l'annulation qu'il célèbre", ce qui, en d'autres termes, signifie que la jouissance ne peut qu'être interdite, ne peut qu'être dite sans être dite entre les lignes, dans les interstices abyssaux entre les mots, entre les phonèmes eux-mêmes, lesquels ne sont perceptibles que grâce au souffle, à la respiration dont on acquiert la maîtrise, si tant est qu'on l'acquière, ladite maîtrise, qu'au prix- et non au terme- d'une interminable ascèse, laquelle n'en finissant de ruiner les effets du bavardage, de la discussion, de la lecture, de la rumination qu'elle n'élimine pas tant qu'elle les transforme, les rendant comme à eux-mêmes étrangers, méconnaissables, pour ouvrir, dans l'espacement ainsi par le jeu du souffle et de la respiration produit un espace propice à la lecture, à pensée, au penser de la pensée qui est écriture, écriture sur l'eau, sur le vent, sur tout, écriture invisible à même le corps de tout et de tous, passés, présents et à venir, voire peut-être en l'absence de tout et de tous, ou plutôt grâce à l'absentification, ce travail de l'écriture sans lequel l'être humain semble réduit à traverser les chemins de la vie sans y rien voir, sans y rien entendre, comme s'il ne vivait pas, ce dont il lui arrive, par moments, d'avoir, dans l'effroi et la honte, le sentiment qu'il a vite fait cependant d'étouffer, de chasser, d'oublier, rien ne lui étant, malgré tout et contre toute attente peut-être, plus douloureux que d'avoir à reconnaître qu'il n'a passé sa vie qu'à ne rien faire et par la faute des autres et par la sienne, mais il ne préférera pas moins, dans l'illusion d'ainsi laver sa déchéance et oublier son ignominie, continuer à bavarder, à s'enivrer, à dilapider sa vie dans de sempiternelles discussions ennuyeuses et stériles pour faire comme les autres, pour ne pas déroger à telle règle silencieuse qui veut qu'on ne soit pas différent, qu'on n'affiche surtout pas sa différence à soi, sous peine d'en subir les conséquences les plus fâcheuses et inquiétantes, pour peu qu'on n'ait pas su ou pu développer et conquérir, grâce à des circonstances favorables ou grâce à l'absence des circonstances en question, que l'on aurait tendance à invoquer pour expliquer les comportements les plus abjects, des actions honteuses, une vie passée à ne rien faire, à perdre son temps, à subir les effets tant extérieurs qu'intérieurs de facteurs nuisibles à une vie consacrée à l'élévation de soi, à jaspiner, les qualités, les vertus dont on n'ignore, encore que vaguement et confusément, qu'elles peuvent contribuer, sous réserve qu'on veuille bien consentir aux efforts herculéens que cela suppose et qui pourraient bien décourager les plus hardis eux-mêmes, à faire de sa vie à soi sinon une oeuvre d'art, du moins, ce qui au fond est peut-être encore mieux, une oeuvre tout court, voire un oeuvre éloigné des chaînes et des turpitudes que la compagnie des autres impose, quand on n'aurait, soi-même, la sottise ou/et la faiblesse d'y céder, non sans quelque joie d'ailleurs, si irrésistible la tentation des plaisirs insignifiants et faciles que l'on peut se procurer n'importe où, sinon partout, dans les milieux les plus sales et repoussants, non moins que dans les lieux plus austères, cependant que longue et difficile est la voie qui ne mène nulle part, la seule qui protège contre les laideurs de l'existence, qui éloigne des mesquines facilités qu'elle offre, qui soit capable de préserver des atteintes ont on aurait tort de croire qu'elles sont inhérentes, consubstantielles à l'existence, étant donné que, quelque réticence que l'on éprouve à l'admettre, elles sont, ces atteintes, ces agressions ,contraires au désir de vivre, la conséquence maléfique des agissements de cette pourriture qu'est l'humain, à moins qu'on ne s'oblige à tenir qu'on les doit à la perversité d'un dieu frustré et (donc) sadique qui, après avoir créé le monde pour tenter, mais sans succès, de surmonter son ennui, qui se délecterait du plaisir qu'il éprouverait à contempler, en hurlant de rire tel un demeuré, le spectacle affligeant des êtres humains s'efforçant de donner un sens à leur existence d'autant plus misérable qu'ils s'entourent de bien inutiles précautions pour, grâce à la conquête de la fortune et du pouvoir et aux avantages (pourtant) considérables qui en peuvent découler, oublier la triste comédie de leurs semblants de tentatives de vaincre les forces contraires, quelles qu'elles soient et quelle qu'en puisse être la source, qu'il les faille attribuer, ces forces, à la méchanceté d'un dieu démoniaque ou à l'humaine faiblesse plus prompte à, face à la force, à toute forme d'autorité, à la violence, se soumettre, quand elle n'en choisit d'être la complice, l'auxiliaire, l'esclave même, dans le lâche et secret, mais également vain espoir de n'en ainsi, peut-être, être la victime, espoir bien vite déçu évidemment, bien vite trompé assurément, tant il est vrai que l'être humain, que l'humanité de l'humain, que l'humain en l'être de cet étant que l'on dit humain aspire comme naturellement à la facilité, au repos, voire à mort, à la mort donnée aussi bien qu'à la mort subie ou reçue dont il n'ose cependant (s') avouer se délecter, à la volonté de vie, car rien ni personne, semble-t-il, ne s'opposent à l' hypothèse qui voudrait que la vie fût une maladie et que l'être humain ne désirât autre chose que d'en être délivré,
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