Dans un
premier temps, non seulement l'être humain, mais peut- être même tout être ou,
si l'on préfère tout étant, sinon, plus simplement tout existant en général,
quel qu'il soit, réagit et agit, mais de manière passive en quelque sorte, en
fonction de ce dont il a besoin, pas tant pour rester en vie, que pour soulager
la souffrance ou pour éliminer le déplaisir liés à la nécessité de la
satisfaction, incertaine, sauf peut- être,lors de sa toute première occurrence,
dans la mesure où elle exige d'être, autant que possible, identiquement
répétée, ou à la non- satisfaction causées par l'aiguillon du besoin qui
interpelle son organisme, par le manque donc qui, résultant et de la
satisfaction, nécessairement toujours incomplète, et de la non- satisfaction du
besoin, intoduit la demande, autrement dit et par le besoin, par la sensation,
bientôt transformée en sentiment, du besoin localisable en son sein, au sein de
son intériorité, et par l'objet extérieur, par l'extériorité ( de
l'objet, quel qu'il soit) nécessaire, dont il a donc besoin, pour la
satisfaction du besoin qui demande à être comblé, mais de tout cela l'être
concerné, l'étant concerné n'a pas (déjà), n'a pas (encore) conscience, et il
est peut- être réservé au seul étant humain d'en prendre (graduellement)
conscience et de le faire comprendre, de le laisser comprendre à toute
extériorité capable, immédiatement ou non, d'en être émue, mais, durant toute
cette période, l'étant humain n'est probablement pas moins passif qu'un étant
inanimé, et ce n'est qu'avec le développement moteur et l'acquisition du
langage articulé, et pas avant, qu'il se met à affirmer, là encore bien plus
passivement qu'activement, sa relative autonomie et entre en interaction avec
le monde extérieur, n'étant plus simplement un être de sensation et de
sentiment, mais étant également et surtout un être qui se spécifie d'être
capable d'appréhension par le biais de l'entendement, un être enfin mûr pour
toute confrontation, et elle n'est pas toujours forcément de type agonal, pour
toute relation avec l'autre, avec les autres, un être mûr pour les plaisirs, le
plus souvent éphémères, et leès souffrances, le plus souvent impérissables, de
l'existence, et c'est alors que tout commence, que commence, après la fin du
commencement, le commencement de la fin, dont on sait qu'il n'en finit pas de
commencer, qu'il n'en finit peut- être même jamais de commencer, histoire de
toujours durer, de ne jamais arriver à quelque fin, et on ne saura sans doute
jamais s'il s'en faut réjouir ou non, non seulement parce que la réponse
à cette question serait introuvable, ce qu'elle est sans doute, mais surtout
parce qu'il faut encore savoir la poser; pour plusiers raisons: car la
découverte ou l'expérience de l'altérité, de l'hétérogéité non moins que de
l'homogénéité, de l'homogène, que l'on ne confondra pas avec l'homogénéité, au
coeur de l'hétérogénéité aussi bien que de l'hétérogène au sein de
l'hétérogénéité, rien n'étant ici, comme ailleurs d'ailleurs, réductible à
quelque forme de singularité, tout renvoyant à des pluralités toujours
distinctes d'elles- mêmes, différentes entre elles et d'elles- mêmes, toujours
au moins terriblement complexe, aussi complexe que le combat pour la vie dans
la lutte pour la satisfaction des besoins et des appétits qui, le plus souvent,
s'éternise en raison, non pas de la rareté elle- même, mais, de la raréfaction
organisée des biens par le truchement de leur autoappropriation, de leur
autoexapropriation par le jeu de la force, qui empêche l'être que l'on dit sans
doute un peu trop rapidement humain de dépasser cette phase animale où il
demeure emprisonné dans sa lutte pour la survie, quoique pas aussi complexe que
le combat qu'est la vie dans la lutte de la reconnaissance de son être et par
lui- même et par les autres dans le monde, c'est- à- dire, au sein de la
structure familiale d'abord et de tout ce qu'elle suppose en termes de normes
et de traditions, de la société et des institutions qu'elle crée autant
qu'elles la créent, la plus principale d'entre elles étant l'Etat, terme d'une
évolution qui consacre l'anéantissement même de l'être humain en tant qu'être
soucieux d'en finir non seulement avec l'animal en lui, mais également et
surtout avec toute altérité en lui, car allant à l'encontre de sa liberté,
quand bien même elle ne lui serait, l'altérité en question, hostile, et bien
plus encore s'il s'y, comme cela trop souvent arrive, identifie, vu que même
s'il, en admettant que ce soit possible, s'identifie librement avec telle
personne, avec tel personnage,bien reel quoique imaginaire, avec telle chose,
avec telle idée même, il ne s'en laisse pas moins dévorer jusqu'à un certain
point, voire entièrement, ne serait-ce que temporairement, et la conséquence en
est son aliénation croissante jusqu'à ce qu'il se réveille de son joyeux
somnabulisme et si, d'aventure, on rappelle que toute vie, surtout humaine,
n'est, ce qui est loin d'être inexact, qu'aliénation, il faudrait alors parler
de suraliénation au sein des mondes de la famille et de ses obligations, de la
société et de ses normes, de l'Etat et de ses dogmes, suraliénation de son être
à soi de toujours suraliéné dont le sujet humain n'a le plus souvent conscience
que toujours trop tard, enlisé qu'il est en permanence dans la lutte
quotidienne pour sa propre survie, quand il ne s'en accommode soit en en niant
la réalité, soit en prétendant y prendre plaisir, et dont il lui arriverait
d'en avoir le soupçon au soir de sa vie, quand, brisé par la vieillesse, rompu
par la maladie, asphyxié par la maladie, toujours, malgré tout, hanté par des
obligations dont il comprend enfin qu'elles ne sont qu'imaginaires, obsédé par
des désirs et des quêtes dont il saisit enfin, dans la frustration, la honte et
la colère,la supreme inanité, il sent bien, alors qu'il sait ou devine la mort
toute proche, qu'il n'a fait que perdre son temps, qu'il n'a même pas vécu et
qu'il s'est comporté comme un con tout au long, et pourrait, dans la rage dont
il est secoué, trouver que la plus grande urgence consisterait à en finir avec
toute forme de suraliénation, mais ni l'aliénation, condition existentielle du
sujet humain, ni même la suraliénation, condition postexistentielle de, comme
on dit, l'homme, ne sauraient être entièrement vaincues et éliminées, parce
qu'il en a, sans le savoir, pris l'habitude et ne s'en rend compte que
tardivement, parce que l'être humain préfère accepter l'indignité de sa
condition, la subir, plutôt que de (se) l'avouer, et parce quà'il faut bien,
comme on croit pouvoir le dire, vivre, et vivre bien de préférence, ou bien
vivre, ce qui, apparemment, implique que l'on aime son prochain mieux que soi-
même, que l'on respecte les parents, les aînés en général, même si ce ne sont
que des gâteux, des débiles mentaux, des abrutis, que l'on se soumette à
l'autorité des lois même quand les législateurs et leurs conseillers ne sont
que des ignorants, des corrompus et des pervers, que l'on dise ses prières au
moins une fois par jour, dût-on n'y rien comprendre, que l'on aille à l'Eglise
au moins une fois par semaine, parce qu'il le faut, que l'on vénère les
institutions comme si c'était des créations divines, surtout quand elles ne
fonctionnent pas, étant dirigées par des analphabètes, des incompetents qui,
comme tous les analphabètes et les incompétents, sont convaincus d'en savoir
plus que les autres, que l'on honore les riches, les puissants et les
criminels,que l'on passe sa vie, qu'on la perde plutôt en travaillant pour
subvenir à ses besoins personnels aussi bien qu'à ceux des siens et, également,
pour s'offrir, de temps à autre, le loisir de quelques rares et souvent
médiocres plaisirs, tout en espérant, comme le font et l'ont toujours fait
certains, vivre un jour dans l'opulence, indifférent à la misère dont on
est responsable des autres, et sans laquelle on ne pourrait se délecter des
jouissances que procure une opulence insolente, dans un luxe qui insulte à la
misère des humbles, des petites gens, et dans la liberté la plus totale,
n'ayant pour les les lois et les interdictions qu'un insondable mépris, presque
la plupart se contentant de presque rien et acceptant l'oppression et
l'humiliation, cependant qu'une minorité, ne doutant que tout lui soit permis
et que les autres n'existent que pour la servir, s'indigne de n'en avoir
toujours jamais assez, tandis que presque tous les autres, la majorité elle-
même se tue au travail contre quelques miettes, puis regarde la télévision ou
des films qui ne valent absolument rien pour oublier le quotidien et satisfaire
son besoin d'évasion, sa fringale de reverie, son irrésistible envie de fantasmer,
lit les journaux et écrit des commentaires dans les médias, histoire de
rappeler qu'elle sait lire, écrire et même analyser, et surtout bavarde,
bavarde tout en jouant aux cartes ou en consommant force verres d'alcool au
point de ne plus savoir ce qu'il dit, ce qu'il fait, ni même s'il a dit ou fait
quoi que ce soit, phénomène beaucoup plus fréquent qu'on ne le pourrait penser
et dont on peut constater la quasi- omnipresence, pour peu que, marchant dans
les rues de n'importe quelle ville, l'on prête attention à toutes ces personnes
en train de se parler à elles- mêmes, pour se défouler, pour fuir au pays de
leurs fantasmes, pour dire, silencieusement ou à haute vois, leur frustration,
leur colère, leur ressentiment, et surtout si l'on est capable d'apprécier que
la plupart du temps on ne fait, en parlant aux autres, en s'adressant à
d'autres, que parler à soi- même, de soi- même, de ses frustrations malsaines,
de ses fantasmes morbides et de ses colères ridicules, non qu'il faille établir
des taxinomies avec dans une colonne, ou une cellule, les opprimés, les damnés
de la terre et eux seuls, dans une autre, les oppresseurs, les exploiteurs, les
criminels, et eux seuls, et dans une autre encore, ceux qui, ni despotes, ni
martyrs, mènent une vie tout à fait terne, s'efforçant d'alléger les
souffrances de leur vie de tous les jours et se satisfaisant des plaisirs
pitoyables qui, malgré tout, illuminent au moins un peu une vie plongée sinon
dans une obscurité perpétuelle, vu que ces catégories, si l'on peut dire, sont,
à divers titres, plus ou moins poreuses, les opprimés se transformant en
bandits, les profiteurs en philanthropes, les gens ordinaires se persuadant de
vivre comme des milliardaires dans leurs châteaux imaginaires, cependant que,
pauvrement vêtus, ils habitent des chaumières mal éclairées au fond de
lointains villages, ne fût-ce que provisoirement, et surtout qu'il faut bien
compter avec d'autres encore, les seuls qui peut- être mériteraient qu'on
s'imterrogeât à leur sujet, surtout si on n'a rien d'autre à faire, si on passe
son temps à s'ennuyer et que, pour tromper son ennui, ou sa solitude, on ait
pour seul remède l'alcool, ou l'opium, ou le meurtre, pour quelques minutes de
loisir que l'on regrette bien vite, dont on a honte, avec cette infime
minorité à laquelle on fait très peu, à peine attention et à propos de laquelle
on ne s'interroge, si l'on s'interroge, que hâtivement et en riant aux éclats,
incapable de comprendre qu'il puisse exister de tels êtres, pourtant les
seuls à peut- être être toujours fidèles à eux- mêmes, encore qu'ils
soient, eux aussi, susceptibles de vaciller, de changer, de céder face au poids
du nombre, de la majorité, mais quand il en serait ainsi, ils ne le feraient
que pour un très court laps de temps, à moins qu'ils, certains d'entre eux, ne
se fondent successivement ou même simultanément, selon des rythmes et des
temporalités variables, dans ces divisions déjà mentionnées, et qui, à partir
de moments précis, jamais forcément les mêmes pour chacun d'entre eux, font le
choix, qui, au fond d'eux- mêmes, depuis assez longtemps, depuis quelques
années au moins, lentement mûrissait, au fur et à mesure qu'ils prenaient
conscience des futilités et des niaiseries auxquelles bien des existences se
réduisent, quand il ne s'agirait de toute existence, cependant qu'ils se
lentement affranchissaient des conditions et des modes de vie qu'ils avaient,
eux- mêmes, parfois, à divers moments, tenus pour naturels, pour, comme on dit,
normaux, qu'ils s'arrachaient, jamais aisément, aux dogmes, aux préjugés, aux
superstitions régissant le milieu qui leur semblait jusque-là le leur,
subjectivement et collectivement, réplique du sens commun, voire du bon sens,
expression du non- sens congenital à toute structuration collective et, même, sociale,
qu'ils résistaient aux idées préconçues, à la pression du groupe, à celle
surtout de toute forme d'autorité et des institutions créées pour en assurer la
toute- puissance et la pérennité, qu'ils luttaient contre le mimétisme,
toujours plus ou moins inhérent aux relations intersubjectives aussi bien qu'à
celles avec le Surmoi toujours collectif, même quand il a l'air individuel, de
la vie et de la liberté, car sans la vie, aucune liberté n'est, pour autant
qu'on le sache, possible, ou de la liberté et la vie, vu que sans la liberté,
il n'est point possible de vivre, en s'éloignant de, en éloignant, jamais
complètement toutefois, jamais définitivement, de manière assurée, ces
tentations et séductions, de ces (relatives) facilités promises ou offertes par
la servilité ou le caporalisme ou, encore, la résignation, et même par les
trois presque en même temps, à intervalles se succédant si rapidement qu'on
conclurait qu'il n'y en a point, dont bien des gens (la plupart?) font le
choix, volontaire ou involontaire, inconscient même des fois, pour de multiples
raisons dont ils ignorent la provenance, dont ils méconnaissent l'existence,
tel l'esclave convaincu ou se persuadant d'être un homme libre et l'égal de son
maître, avec lequel il a fini par s'identifier, quand il ne lui serait,
croit-il dans son délire permanent, supérieur, maître de son maître, et qui,
fussent-elles bonnes et explicables ou compréhensibles, ne laisseront jamais
d'être toujours mauvaises, navrantes, sinon franchement obscènes, d'autant plus
mauvaises, navrantes et obscènes que rien ni personne ne contraignent vraiment
personne à ces choix, quelque impérieux qu'ils puissent sembler ou, même, bel
et bien soient, rien ni personne sinon eux-mêmes,sinon la force plutôt,souvent
irresistible, des habitudes imposées depuis (toujours) trop longtemps et contre
laquelle il est difficile de résister, de se cabrer, de s'indigner et de
protester de tout son être pourtant meurtri, avili, déshonoré, mais à laquelle
il est infiniment plus facile, plus reposant aussi de céder, de se
livrer, de se soumettre, comme si c'était du monde la chose la plus banale qui
fût, le comportement le plus normal à adopter, avec une frénésie dont on ne
s'aperçoit même sur l'instant et pendant longtemps le plus souvent, mais dont
on ne se souviendra jamais plus tard, un beau jour alors que rien ne permet de
penser que tel souvenir, que l'on n'a pas tout à fait tort de constater qu'il
n'a encore jamais été présent, va surgir d'un passé à tort cru défunt et dont
on avait fini par être convaincu qu'il n'avait jamais existé, reviendra soudain
et cruellement confondre et ébranler une existence jusque-là relativement
innocente et la hanter jusqu'à la mort, l'exhortant silencieusement et
sévèrement à un minimum de dignité, sans un inextinguible sentiment de honte,
sans la sensation d'être irrémédiablement sale pour le reste de ses jours,
sinon les urgences dictées par le quotidien avec son lot infernal
d'asservissements et la dépendance dans laquelle elles enfermeraient
toute existence, sinon le plaisir malsain et ambigu que l'on peut en
tirer et que l'on savoure faute de mieux, car l'existence est si terne, si
somber, si infecte, sinon tant d'autres facteurs encore encore, sinon le plus
dangereux d'entre tous, le plus inquiétant aussi donc, et le plus
contraire la volonté de vivre dont il n'est personne, s'agît-il de l'être
humain le plus médiocre et, même, le plus vil que l'on puisse imaginer, qui
n'en ait, ne serait- ce qu'une fois, éprouvé l'ardent besoin, lors même qu'il
passait son temps à perdre sa vie, à la bousiller, à la laisser se consumer
dans les flammes maléfiques de son imagination malade, rêvant sa vie, la
réduisant à quelques rêveries plus macabres que tristes, au lieu de la vivre,
d'essayer , contre tout et contre tous, de la vivre enfin ne serait-ce qu'un
peu, cependant que lui reviennent en mémoire les désirs qui parsemèrent son
adolescence, les projets qu'il entretint durant sa jeunesse, les ambitions
qu'il sentait, emporté déjà par le courant de l'existence, par la fuite des
jours et des nuits, sur le point de s'évanouir, mais dont il n'espérait pas
moins la réalisation un jour ou l'autre, encore qu'il n'y ait peut- être rien
qui y soit, à la volonté de vivre, plus fatal, du moins chez les êtres humains
que la passion (au sens étymologique) mimétique, dont on ne saurait
probablementt affirmer qu'elle soit inconnue des non- humains, surtout depuis
que, dans le prolongement des recherches et des découvertes dans les divers
champs du savoir scientifique non moins que dans d'autres sphères du savoir en
apparence, jusqu'ici du moins, distinctes de la connaissance scientifique
à laquelle elles seraient étrangères, quand elles n'en détourneraient par le
biais de cette attitude de mépris calculé et délibéré que les
adeptes du préjugé et les zélotes du dogmatisme ont appris à afficher bien plus
dans un but d'agression que pour des motifs légitimes tels que la quête de la
vérité ou le souci de la justice, elle semble de plus en plus
possible, voire vraisemblable, cette passion mimétique dont on sait
qu'elle est la maladie suprême de toute existence humaine, dans la mesure où
elle est à la fois indispensable, du moins pour un certain temps que l'on dira
nécessaire à l'autonomisation relative et, peut- être, jamais totalement achevée,
de l'individu, et que l'on souhaitera le moins long possible, pour peu
qu'on souhaite vouloir essayer de vivre sa vie à soi, que cela soit
effectivement possible ou non, et jusqu'à un certain point, jusqu'à ce point
flottant , toujours plus ou moins incertain et en deçà duquel une régression,
même si elle n'est pas forcément définitive, est, sera toujours possible où le
sujet humain continuera d'être un animal mimétique, imitant, copiant, plagiant,
singeant, voire de n'être que cela, s'inspirant en permanence pour tout ce
qu'il souhaite, pour tout ce qu'il veut et désire de ce que les modèles qu'il
aura il ne sait trop comment lui- même choisis, ou qui lui ont ete
imposes, et nuisible dans la mesure où elle constitue l'obstacle par
excellence non seulement à toute volonté, mais même à toute possibilité d'une
réelle et authentique liberté du sujet humain dont, par ailleurs, on se peut et
il se faut bien demander si la plupart d'entre les humains, la grosse majorité
d'entre eux ont le temps, prisonniers qu'ils sont, par faiblesse, par lâcheté,
par résignation, quand ce ne serait de leur propre gré, des sollicitations
difficilement contournables, quand bien même triviales et futiles, de tout ce
qui s'est substitué, avec leur propre complicité ou/et en raison de leur
inconscience ou de leur aveuglement, de leur innommable bassesse, de se
préoccuper d'être libres, de songer à vivre à l'abri de tout et de tous,
conformément à ce qu'ils désirent eux- mêmes en tant qu'êtres nouvellement
créés par leurs propres soins et dont ils continuent de perfectionner la
création à tout instant, sans jamais succomber à l'illusion de s'être libéré
des autres, de s'être affranchis du passé surtout, du passé dont il s'agit de
se libérer sans s'en libérer, qu'il s'agit d'oublier tout en en gardant le
souvenir, un souvenir actif, mais distant, comme éloigné, presque lointain,
dont on reconnaît la présence, mais sans s'y soumettre, sans en être l'otage,
le prisonnier, comme si l'on en était hanté sans en être hanté en même temps,
la stratégie, bien plus structurelle que psychologique, consistant ici à
concilier au moins deux impératifs en principe inconciliables, ceux de liberté
et de reconnaissance, afin vivre sa vie à soi sans rien renier de ce que l’on
doit à l’autre, aux autres, voire à l’Autre, réalités qui sont, en fait, des
constructions bien plus symboliques et imaginaires que réelles avec lesquelles
on n’en finit jamais, envers lesquelles on sera toujours endetté d’autant plus
qu’on n’aura volontairement et consciemment contracté la moindre dette,
d’autant plus qu’on n’a pas, en toute honnêteté et sans défaillance mémorielle
aucune, conscience de leur avoir demandé quoi que ce soit, qu’on n’a pas, non
sans raison, le souvenir d’avoir auprès
d’elles, auprès de ces réalités symboliques et imaginaires, sollicité quelque
emprunt, mais toute réalité étant d’autant plus vraie de n’être pas vraie,
d’être de l’ordre du symbolique et de l’imaginaire, cependant que le réel
demeure inaccessible, sauf peut- être de manière partielle, métonymiquement,
sinon catachrétiquement, et que toute réalité ne cesse de confirmer son
caractère de voile, de transparence opaque, de masque qui tout dissimule, qui
tout falsifie, qui tout pervertit, substituant à la réalité de la réalité, à
l’effectivité de la réalité, l’empire des ombres, le royaume des songes et des
mensonges où tant de gens préfèrent s'aller réfugier pour ne point contempler la splendeur insoutenable et invisible de ce qui est
Tuesday, February 5, 2019
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