Friday, March 11, 2011

D'un divorce qui n'en est pas un

D’UN DIVORCE QUI N’EN EST PAS UN
On trouvera difficilement un acteur de la scène politique qui , à tout moment de sa carrière, ne mette un soin extrême ,n’y ménageant aucun excès, à faire à l’univers tout entier clairement savoir que son rêve le plus cher consiste à réaliser la conjonction , toujours difficile et même quasi impossible,quoique jamais suffisamment redoutable pour que notre histrion ne découvre ou n’invente la formule qui ,un jour, lui permettra d’affirmer, avec cette feinte modestie qui est peut-être encore plus insupportable que les expressions les plus démesurées d’une vanité outrancière, y avoir réussi,mieux que personne cela va de soi,en quoi il ne diffère ni de la grande majorité de ses prédécesseurs ni de la plupart de ceux qui lui succéderont, entre l’économique et le social,à croire qu’une disjonction de toujours sépare ,les maintenant prodigieusement éloignés,quand elle ne les opposerait, l’économique du social,et l’abîme , qui consacre le disparate que rien ne saurait surmonter entre eux, est si incommensurable qu’on les pourrait l’un à l’autre aussi étrangers dire que l’ours blanc l’est à la baleine.Il croira ( sincèrement ?) s’en pouvoir glorifier et il s’en trouvera pour l’en,admiratifs au bord de l’évanouissement, féliciter, ou pour, jaloux au point de l’épuisement,l’en envier.Qui le pourra blâmer de tenir un tel discours, vu que c’est le discours dominant, c’est le discours qui , écrasant toutes les différences et anéantissant tous les antagonismes,rassemble et réunit les adversaires les plus coriaces et acharnés aux champs Élysées?
Mais seulement voilà ! Les champs Élysées en question, ce sont plutôt les bois de Nèfles de la décadence .Ne feignons point ,cependant,de ne point, par excès de rigueur, comprendre :n’importe qui est en mesure de s’informer de l’origine de cette fausse antithèse qui voudrait que l’économique fût aux antipodes du social ;elle a l’âge de la Banque mondiale et du FMI,encore que,par un de ces revirements dont personne n’aurait l’impudence, ces deux institutions aient révisé leurs positions sur les dépenses dites sociales.Il aura quand même fallu pour cela une cinquantaine d’années,et maintenant encore,rien n’a vraiment changé dans les faits.Il n’est de même personne qui ne s’avise de prétendre ignorer que le social , ce qu’on croit pouvoir de ce terme baptiser,sert de justification à une politique qui s’évertue à atténuer sa dureté , voire son inhumanité,en se drapant dans les voiles d’une générosité factice.Par volonté de compassion , assure-t-on;par humanité, n’hésitent à affirmer certains, tandis que d’autres vont même jusqu’à parler d’humanisme, comme s’ils en savaient quelque chose.Mais l’État-providence ,dont on ne cherchera à minimiser les effets, aura ,avant tout, été providentiel pour les riches et les puissants.
Le divorce entre l’économique et le social semble dans ce qui tient de cerveau à la plupart des gens si fermement ancré qu’il faut craindre qu’il ne soit impossible de l’en déloger.Il s’agit pourtant d’une sottise si lamentable qu’on a non seulement le droit ,mais même le devoir , de se demander comment elle a su se faire accepter.Les ressorts de l’idéologie sont,il est vrai,immenses,surtout quand elle se met activement au service des dominants.Mais ce sont les devoirs de l’intellectuel qui s’en trouvent redoublés.Ce qu’il importe d’inlassablement réitérer au risque d’être monotone, c’est que l’économique et le social sont intimement et structurellement liés : il n’y a pas d’économie sans société, de même qu’il ne saurait y avoir de société sans économie.L’économie constitue l’un des trois modes fondamentaux de l’échange sans lesquels la vie sociale n’est guère possible.Le terme économie lui-même,pour peu qu’on sache le grec, le dit déjà amplement et les pionniers de l’économie moderne---------on pourrait dire de l’économie tout court--------------, comme pour le bien souligner,n’ont pas craint de recourir à l’expression , qu’ils devaient pourtant savoir tautologique,économie politique .Certes, les modalités de l’échange de biens et de services sont loin d’être immuables et les lois qui en régissent le fonctionnement ne sont pas toujours--------------c’est vraiment le moins qu’on puisse dire,------------justes.Cependant, avec la substitution, du moins théorique, de l’échange au travail ,ou, si l’on préfère,à l’esclavage, autrement dit depuis l’avènement de la biologie et de l’anthropologie,nous sommes bel et bien dans l’ère du social, autrement dit de l’économique,Tout ceci ne semblera étrange que si l’on omet de comprendre qu’avant cela,la société, si l’on veut bien faire exception d’une période relativement brève à l’aube des temps humains caractérisée par un communisme primitif ( je renvoie, que l’on m’en excuse, à la série d’articles parus dans Samedi-Plus sous le titre Du respect des lois ) , n’existait pas vraiment, pas plus que l’économie.Il y avait bien des éléments, des balbutiements de société, mais la société elle-même n’existait que de manière limitée et se limitait à certains groupuscules.Par contre,il y avait des collectivités fonctionnant , selon les circonstances, sur le mode de la confrontation et/ou celui de la coopération.On peut bien dire que l’économie n’en est pas absente, mais à condition d’y accoler l’épithète sauvage .
Or l’économie sauvage existe encore; elle survit toujours et on pourrait même trouver qu’elle règne et triomphe comme elle ne l’a jamais fait jusqu’ici en tant que,maintenant ,économie barbare,qui n’est autre chose que le dévoiement et la perversion de l’économique selon une logique de l’appropriation et de l’accumulation illimitée, c’est-à-dire de l’expropriation et de la surexploitation.C’est, si l’on veut, ce qui peut faire croire à l’irréconciliabilité de l’économique et du social .Mais il s’agit là d’un faux débat et nous ne sommes même pas confrontés à une régression,sauf si l’on tient que nous n’avons jamais cessé, ce qui après tout n’est pas du tout impossible, d’être des bêtes féroces. Le divorce artificiellement introduit entre l’économique et le social et qu’on a fini par juger naturel ne vise peut-être pas à autre chose qu’à la perpétuation de l’exploitation et de l’injustice.L’économie n’a pas, comme on dit, à faire la part belle au social,pour ceci qu’une telle économie , ce n’est pas de l’économie,mais du gangstérisme.
Cela ,tout le monde le peut savoir,mais il ne s’agit pas simplement de savoir;il faut pouvoir agir en conséquence.C’est la tâche de tout le monde, c’est surtout la tâche du politique.Du vrai.
Ramanujam Sooriamoorthy

2 comments:

  1. J'ai A-DO-RÉ!

    Je précise que, dans bien des cas, j'ai dû lire deux ou trois fois le même paragraphe, pour ne pas perdre le fil!

    Mais c'est bien à cela qu'on vous reconnaît, mon cher ami.

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  2. Merci bien de votre remarque.Continuez.

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