Friday, March 11, 2011

L'insu que sait toute loi

L’insu que sait toute loi
Une loi------------et il en va de même de tout décret, de toute ordonnance, de toute décision de justice et même de toute proclamation gouvernementale,------------n’en est une ,n’en renferme les propriétés que si dans sa structure interne, dans la dynamique qui l’anime,aussi bien que dans son déploiement , dans son application, elle s’énonce en tant ruine de tout schéma allocutoire.Non qu’elle soit rigoureusement sans destinateur ni destinataire------------on pourrait souhaiter qu’il en fût ainsi--------------,ni qu’elle consacre la précarité ou l’impossibilité de toute tentative de communication------------bien au contraire------------,mais ,pour qu’une loi soit à la hauteur de la dignité qu’on devrait pouvoir lui reconnaître,sans hésitation ni ambiguïté, il faudrait qu’elle entraînât l’adhésion spontanée et sans réserve,non moins que la soumission libre et joyeuse de tous , de sorte que l’on puisse dire de tous ceux qu’elle concerne, autrement dit tous ceux qui, d’une manière ou d’une autre, fût-ce accidentellement,se trouvent dans l’espace où elle a ,comme on dit, force de loi, qu’ils en sont et les destinateurs et les destinataires à la fois.Tout le monde---------exception faite peut-être des enfants, des malades , des fous, des vieux, des morts;je dis bien peut-être , car c’est là une question qui ,à elle seule , mériterait des centaines de pages: qu’est-ce qu’un enfant ?un malade ? et qu’en est-il de ceux qui simulent( comment savoir s’il sont vraiment en train de simuler ? ) la folie, la maladie ?----------- étant destinateur et destinataire à la fois, personne n’est vraiment destinateur ni destinataire.Ce n’est pas tant le plan allocutoire lui-même qui se trouve congédié ,qu’un modèle de communication fondé sur la force et la brutalité.Par contre , se met en place une structure communicative reposant sur l’égalité et la convivialité.Et la loi de puiser sa légitimité et son autorité de la neutralité participative, si j’ose dire , qui l’institue à partir de ces prémisses irréfutables que sont la justice et l’équité.
Mais quoi ! Est-ce seulement possible ? Serait-ce ,même dans le phalanstère de Fourier , concevable ?Nous sommes tellement habitués, sans le savoir,bien évidemment, à une conception théologique de la loi , laquelle s’est naturalisée au point de se confondre avec le sens commun , et à une vision dichotomique de l’espace social, qu’il nous est impossible d’imaginer que la loi puisse être autre chose que ce qu’elle est d’habitude dans le flux ininterrompu des jours et des nuits , des jours qui plongent dans la cécité avec leur train de préoccupations et de soucis, et des nuits,prolongement des jours dont ,parfois, elles se distinguent à peine, qui favorisent le sommeil de la raison,lequel,on le sait ‘engendre des monstres’.En bons métaphysiciens que nous sommes,nous trouvons parfaitement naturel qu’il y ait d’un côté le ou les législateurs ,et de l’autre ,leur faisant face, opposés à eux en quelque sorte, les récipendaires de la loi,étant implicitement entendu que le législateur lui-même, lui et les siens ne sauraient eux-mêmes , sauf dans des cas bien précis qui ne sont nullement des exceptions, car ils auront alors choisi, dira-t-on, de se mal comporter,faire quoi que ce soit qui tomberait sous le coup de la loi.Il n’est pas dit que le législateur lui-même pense qu’il en soit ainsi ou qu’il en doive être ainsi,mais c’est ce que nous avons tendance à penser, de même que nous estimons ,quitte à trouver que telle loi est injuste ou cruelle,qu’une loi est une loi parce que le législateur a décidé qu’il faut bien qu’il en soit ainsi.Et comment pourrait-on espérer que le raisonnement du commun n’empruntât ces voies,quand il se rencontre des gens éclairés,ou du moins réputés tels ,qui souscrivent à cette conception quelque peu manichéenne de la loi ?
Cependant, on ne saurait applaudir à une telle doctrine que si l’on s’en tient à une conception oligarchique et terroriste de la loi.Il y aurait beaucoup à dire là-dessus, mais je me contenterai,pour l’heure, de faire remarquer ,surtout à l’attention de ceux qui penseraient que je ne songe qu’à critiquer, qu’une telle conception n’est pas forcément inapte à promouvoir la paix--------je n’ai pas dit :l’harmonie ,--------sociale et à garantir la sécurité.Non qu’elle le fasse effectivement,mais elle le pourrait.Toutefois, quand bien même elle le ferait , ce serait au détriment de la justice et de l’harmonie sociale, vu que , dessinant les contours d’une polémologie ou d’une agonistique,elle fait de l’espace social un champ d’affrontement où seule triomphe la force.Or il n’y a pas d’objection à ce que triomphe la force, voire la seule force, à condition toutefois que ce soit la force de la vertu, du droit .Mais quand la force , ne fût –ce qu’officiellement, et rien qu’officiellement,quoique jamais qu’officiellement ,n’est que l’expression de la puissance du pouvoir-------et le pouvoir est toujours, du moins jusqu’ici, quelle que soit la forme qu’il revêt, pouvoir de légiférer, de décider, de faire agir, autrement dit de dominer, et c’est la raison pour laquelle il faudrait, non pas se méfier du pouvoir , de tout pouvoir,mais réfléchir à un autre concept du pouvoir,-------------et quand le pouvoir se réduit à la volonté ou à l’exercice d’auto-illustration de sa toute-puissance ,il n’est pas impossible que ce pouvoir -là, même quand il se voudrait brutal et arrogant, ce dont il ne se prive que très rarement, soit juste et même qu’il dure; il ne sera toutefois jamais noble ni grand.Certes ,il ne semble point qu’ils soient nombreux,ceux qui exercent le pouvoir ,à s’en émouvoir,mais qu’est-ce qu’un pouvoir qui ne serait ni noble ni grand , si ce n’est le pouvoir de bandits et de malfrats ?
On pourrait craindre qu’un pouvoir noble et grand, autrement dit des lois qui , s’abstenant le plus possible de réprimer et de punir, oeuvrent inlassablement à prévenir et à équi librer, ne soit particulièrement vulnérable,mais pourquoi voudrait –on qu’il fût plus vulnérable que n’importe quelle autre structure de pouvoir, étant donné qu’il s’agit là------------enfin,pourrait-on ajouter,-----------du pouvoir de tous pour tous ?
Ramanujam Sooriamoorthy

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