Friday, March 11, 2011

Pour une politique libre de toute idéologie

Pour une politique libre de toute idéologie
A la question de savoir si jamais la politique pourra jamais être libérée de l’idéologie,si un discours politique est possible qui fasse abstraction de l’idéologie,la réponse pourra toujours sembler facile-------------mais qu’est-ce qui,aux yeux de certains, n’a point toujours le caractère ( le masque ?) de la facilité? ----------, même, et peut-être surtout, si la question résonne comme une bizarrerie.La réponse la plus communément admise, c’est que la politique et l’idéologie sont comme l’avers et le revers d’une même pièce, quand on ne tient qu’elles sont rigoureusement synonymes .Si d’aventure on insinue qu’il y a quand même une différence qui les sépare et distingue, c’est pour aussitôt,comblant la mince fissure repérée, proclamer qu’il ne saurait y avoir de politique sans idéologie et que toute idéologie suppose,implique toujours et forcément un versant politique.En d’autres mots,il ne s’agit pas plus de libérer la politique de l’idéologie que d’affranchir l’idéologie de la politique, toute discussion à ce sujet ne relevant , dans le meilleur des cas,que de la tautologie du bavardage, vu que rien ni personne ne les saurait dissocier. Ce discours-là passe non seulement pour sensé ,mais même pour savant,et cela,mieux vaut n’y pas insister, se passe de tout commentaire possible.
Au pôle opposé,on rencontre ceux qui s’insurgent contre toute idée de rapprochement entre la politique et l’idéologie,vu qu’elles sont, seraient aussi étrangères l’une à l’autre que la vie sexuelle des hippopotames peut l’être aux moeurs gastronomiques des Eskimos,et , par conséquent, point n’est besoin qu’on les distingue : elles se naturellement ignorent . Mais cela nonobstant,il suffirait, semble-t-il , en raison de cela même , en raison de leur impossible rencontre ( c’est à n’y rien comprendre, ) ) de la moindre percée idéologique pour que le discours politique se trouve infecté, dénaturé et souillé au-delà de toute reconnaissance possible.Il s’introduit ici un léger glissement :la politique et l’idéologie ne sont plus vraiment l’une à l’autre étrangères,mais elles seraient deux ennemis irréductibles et toute idée de rapprochement entre les deux ne peut qu’être artificielle,survenue,mal venue,voire saugrenue.Si la nature , ou plutôt,si l’on préfère ,la structure de l’idéologie veut qu’elle corrompe la politique,la politique ,elle, a ,en retour,pour vocation de travailler à la ruine de l’idéologie et pour mission de la complètement anéantir.On est rapidement tenté de penser que le propos est ,ici, parfaitement fondé et recevable,et recevable ,il l’est dans une très grande mesure, mais il n’est certainement pas le discours révolutionnaire que l’on croit souvent.
En fait ,malgré qu’elles soient l’une à l’autre antithétiques, ces deux positions sont loin d’être asymétriques.A telle différence près,le geste libérateur ne semble d’aucune pertinence,car si l’idéologie ne se trouve pas à l’intérieur même de la politique comme l’eau dans l’eau------------impossible donc de les séparer--------,elle en est si éloignée que l’idée de les maintenir dans leur éloignement ne saurait même venir à l’esprit.S’il advient que l’idéologie fasse intrusion dans le champ de la politique,il ne peut s’agir que d’une anomalie, vu que la politique, la vraie, ne peut se laisser effleurer par l’idéologie sous peine de se incontinent dissoudre et de s’abîmer dans le flux idéologique.Et il n’y a alors rien à libérer ,puisqu’il n’y a plus que de l’idéologie.Ne pourrait-on penser que l’infiltration de l’idéologie réclame justement quelque effort pour préserver l’intégrité,ou du moins la spécificité, de la sphère politique ?On le pourrait,en effet ,penser , mais ce serait probablement mal poser le problème, étant donné qu’avec l’idéologie , c’est au trépas de la politique que l’on assiste.On pourra alors tout au plus s’efforcer de
faire revivre la politique,non pas tant contre l’idéologie,encore qu’il en aille de cela aussi,qu’indépendamment d’elle.
Toutefois ce n’est pas comme s’il y avait deux champs bien distincts et clairement identifiables.La politique, c’est ce qui à tout moment,et depuis toujours, menace de se transformer en idéologie,pour ceci que le discours politique est si peu, pour la très grande majorité des gens , persuasif, s’il ne propose à l’attention de la foule des fétiches , des idoles.Mais ce discours –là,qui accepte de se laisser envahir et dominer par des fétiches,quand il n’en cultive lui-même,est surtout idéologique.Il n’a ,cependant,point complètement évacué la dimension politique en lui et c’est bien plus grave,car c’est précisément là que l’idéologie tient sa chance de détrôner la politique , de lui usurper son rôle,et de s’imposer en tant que politique,alors qu’elle en est la simplification et l’appauvrissement.De même que le discours politique subit en permanence la menace ou la tentation de l’idéologie,le discours idéologique adopte le ton ,le style,la rhétorique du discours politique, nullement pour se politiser toutefois,mais pour investir l’aire politique et la parasiter hors du réel,se substituant ainsi à la politique.Néanmoins ,là encore,il sied de bien comprendre que le discours idéologique n’est pas qu’idéologique ; si tel était le cas,il se fùt depuis fort longtemps démasqué en tant que la grossière falsification qu’il est et eût subi le discrédit qu’il mérite.Mais ,l’idéologie, c’est peut-être ce qui ne meurt jamais.De même que l’idéologie n’est pas qu’idéologique, la politique n’est pas que politique,elle se laisse ,entre autres et notamment ,miner par l’idéologie.Et si la politique pure était possible,entièrement libre de toute idéologie, elle se muerait bien vite en orthodoxie politique, en idéologie.
Au fond, le débat dont il est question ici devrait être à tous familier;il s’agit du débat entre le fini et l’infini,l’achevé et l’inachevé, de celui qui oppose la passion de la certitude, fùt-ce au prix de la rigueur, à la modestie de l’insatiable, car jamais assurée d’avoir atteint ni même d’atteindre son but,volonté de savoir sans laquelle la justice---------et que serait une politique qui ne serait animée d’une inépuisable volonté de justice ? -------- n’est concevable qu’en tant que mascarade ou supercherie.Et l’être humain---------s’agit-il bien de l’être humain cependant ?---------adore les certitudes,pourvu qu’elles soient faciles , il prèfère le mensonge de l’idéologie, de la propagande, de la publicité, et des séries télévisées à l’austère réalité des faits.Tout cela ne serait bien grave, serait même trivial, s’il n’en résultait de la domination ,de l’injustice, de la souffrance.Et c’est pour cela qu’il importe que la politique soit libérée de l’idéologie.
On s’interdira toutefois de penser que cette libération puisse être accomplie de manière ponctuelle et définitive : elle est toujours à recommencer et doit sans cesse continuer, au-delà de la vie, au-delà de la mort.
Nous ne craindrons pas d’avancer qu’en un sens,nous avons déjà à peu près tout dit, mais seulement à peu près,et il faudra encore et toujours au moins un mot de plus pour rappeler , en même temps, que nous ne faisons jamais que commencer,et qu’il reste(ra) toujours encore tout à dire,ne serait –ce que ,on le pourrait souhaiter,quoique n’ignorant le souhait parfaitement vain,le temps d’un éclaircissement, d’un esclaircissement,comme on disait jadis, ou d’une éclaircie, même si le lecteur a pleinement compris que ,pour nous, et pas seulement pour nous, la politique et l’idéologie ne sont ni synonymes ,ni simplement antagonistes , ni même complémentaires.Un éclaircissement, une tentative d’éclaircissement n’est jamais de trop ,surtout quand, s’efforçant de combler un manque,des lacunes,elle en signale et souligne d’autres,le but même de tout exercice d’éclaircissement.
Certes ,le lecteur a ,aura compris; il ne se pose pas moins, cependant, des questions , et .pour tenter de commencer d’y répondre,nous nous enhardirons à affirmer qu’il n’y a pas d’idéologie,non seulement en ce sens que l’idéologie renvoie au domaine de l’erreur, au royaume du mensonge, du néant des divagations et des élucubrations humaines,mais surtout pour ceci que l’idéologie ,nonobstant tout ce que l’on en peut dire quand on y est confronté,n’existe pas comme un déjà-là.C’est toujours le résultat ,fascinant et décevant, réconfortant et irritant, d’un processus; cela peut paraître surprenant,compte tenu de la structure rigide et , en apparence ,solide de l’idéologie.Mais il n’y a ,il ne saurait y avoir rien qui ne soit la résultante, jamais entièrement fixe et inamovible, d’un processus, d’un frayage de forces, de différences.Ce n’est pas pour autant qu’on y est attentif;on y est d’autant moins attentif que cette attention-là risque de produire des effets peu rassurants,peu agréables , et ,quoi qu’il en soit.,ce qui importe la plupart du temps pour la plupart des gens, c’est l’immédiat, ce qui est pratique.ils adorent joindre, comme on dit, l’utile à l’agréable,l’essentiel étant qu’un minimum d’efforts,ou, si possible, une absence totale d’efforts, de travail,puisse préluder à un maximum de plaisir.
Le travail dont il est question ,ici, est celui de la lecture ,et pour les êtres de langage que nous sommes, dont l’univers est peuplé de signes, de signifiants qui se renvoient mutuellement les uns aux autres tout en renvoyant à d’autres signifiants selon un mouvement ininterrompu que rien ne saurait ni ne devrait pouvoir figer,la lecture est à la fois ce à quoi nous sommes condamnés ( à entendre en tous les sens possibles ) et ce à quoi nous, sauf exception, n’entendons grand-chose. Continuons cependant . Ne saurait ni ne devrait pouvoir………………..,mais c’est pourtant ce qui se passe régulièrement et le plus naturellement du monde. Comment est-ce possible ? La raison en est toute simple, toute bête :la lecture est une opération,un exercice désespéré, sinon impossible, d’où son inachèvement essentiel. Toutefois,l’exercice ne frappera comme étant désespéré que si l’on veut bien y consentir, si l’on est disposé, si l’on s’oblige à risquer l’aventure ,difficile,voire dangereuse, que suppose tout réel acte de lecture, qu’implique l’infini de la lecture.
Par contre , si au lieu de lire,on ,tout en croyant lire, ce qui est bien plus lourd de conséquences,on se livre à la collecte d’unités de signification ,insoucieux jusqu’à la désinvolture de la dynamique, jamais la même et forcément plurielle,, qui accompagne toute production, toute occurrence langagière, et avide de privilégier telle ou telle unité de sens , telle ou telle dimension au détriment de tout autre aspect pourtant indéniable , à condition qu’on veuille bien lire, qu’on ait la modestie et l’intelligence de vouloir apprendre à lire, on ne fait qu’ouvrir la voie au dogmatisme du sens arbitrairement et capricieusement imposé et acclamé,à l’idéologie.
Qu’est-ce que donc que l’idéologie ?.Quand Destutt de Tracy invente le terme idéologie ,il se propose , en digne héritier des Lumières, de renverser la vieille métaphysique par une science des idées, le but affiché étant la critique des préjugés et des mythes au moyen de l’analyse scientifique des idées pour que triomphe la connaissance vraie.Cependant, avant même la critique de Marx qui voit dans l’idéologie une forme d’idéalisme, qui, comme tout idéalisme, ne peut que méconnaître le rôle décisif de la matière, des conditions matérielles, de l’infrastructure, la démarche de Destutt ,dont on ne peut , en fait ,affirmer qu’elle ignore tout à fait l’élément matérialiste, ne serait-ce que parce qu’elle s’inspire du sensualisme de Condillac, lequel n’est pas sans rappeler Leucippe et ,surtout, Démocrite,pèche en ceci que, discours des idées, science des idées,elle ne peut , alors même qu’elle déclare vouloir remonter à l’origine des idées,que se réduire à une répétition, à un redoublement des idées dont elle entreprend le récit ,la narration,mais sans ,et c’est en cela , en la tautologie qu’elle constitue et qui la constitue,qu’on pourrait presque déjà la juger idéologique au sens marxiste du terme, en interroger les fondements et les présupposés.Ce qui lui fait défaut, c’est l’élément critique,et cela est fort étrange quand on songe que l’idéologie de Destutt de Tracy est contemporaine de la critique de Kant.
En critiquant l’idéologie, Marx lui reproche surtout de mettre l’accent sur les idées ,en niant l’importance de la dimension matérielle.Mais ce n’est pas tout: les idées régnantes dans toute collectivité ne peuvent être que celles du groupe dominant et de ses alliés et complices , et pour garantir la promotion des ses intérêts,le groupe en question est ,en quelque sorte, contraint de procéder à une occultation du réel afin de substituer à tout effort d’appréhension du réel dans toute sa diversité polymorphe une herméneutique qui légitime les croyances fausses, justifie les interprétations trompeuses, valide les préjugés et les stéréotypes sans lesquels la pérennisation de tout système de domination deviendrait problématique.Le combat contre l’idéologie s’impose non seulement au nom de la justice-----------il peut se rencontrer des idéologies non dominantes, chez les classes ouvrières ,par exemple------------,mais surtout et bien plus encore au nom de la rigueur et de la probité intellectuelles : l’idéologie est essentiellement fausse et perfide.Le marxisme, en tant que matérialisme dialectique,ou même en tant que matérialisme historique ,ne peut que s’élever contre l’idéologie qui, malgré sa volonté de scientificité, demeure prisonnière de la métaphysique classique;toutefois ,on peut se demander si le matérialisme dialectique, dont l’hegelianisme est indéniable, et même le matérialisme historique ,ne sont, au fond, des variantes ,eux aussi, de la métaphysique,ne sont , eux aussi, des porteurs d’idéologies.
Si Marx croit pouvoir opposer le matérialisme dialectique à l’idéologie, Brecht,qui reconnaît en cette dernière une construction visant à aveugler et à aliéner, en enlevant tout esprit critique au sujet humain,au lecteur, au spectateur------------Brecht était, tout le monde le sait, surtout homme de théâtre-------------------------,qui alors se laisse docilement exploiter,y participant même,par la bourgeoisie dominante, propose ,à titre de stratégie, la fonction épique,laquelle ,grâce à l’effet de distanciation, permet de résister aux sirènes de l’identification aliénante de l’idéologie, de toute idéologie.La position de Brecht est à coup sûr plus conséquente que celle de Marx,nonobstant tout ce qu’il doit à ce dernier.Et la fonction épique brechtienne n’est pas, nous semble-t-il, sans faire songer à la déconstruction derridienne.Toutefois ,à suivre Brecht, et Marx aussi, on aurait l’impression que l’idéologie, qui, certes, n’est jamais innocente,relève toujours d’une espèce de vaste complot, tout se passant toujours comme si les classes possédantes et dirigeantes passaient leur temps à mettre en place et à faire mettre en place des schémas idéologiques dans le but d’asservir,d’exploiter et de dominer . Et l’idéologie ne triomphe jamais tant que quand la victime est consentante , quand elle refuse de reconnaître son statut d’exploité et d’humilié, quand elle s’identifie plus volontiers avec son bourreau pour oublier l’ignominie de sa condition.A l’ère des techniques de communication de masse,les ressources de l’idéologie sont immenses au point d’être terrifiantes, surtout que personne n’admet aisément être un sot, n’accepte de reconnaître s’être trompé, avoir été berné.
Tout en souscrivant à la thèse conspirationniste de l’idéologie, dont les effets et les méfaits sont toujours à redouter et doivent être combattus, nous ne pensons pas que ce soit par cet aspect que l’idéologie révèle sa plus grande dangerosité.En fait, elle tendrait ainsi à se démasquer; l’étonnant ,c’est qu’il y ait des gens pour y,malgré cela, adhérer , c’est qu’elle triomphe.Sans doute est-ce parce qu’un mensonge agréable est toujours plus attirant qu’une vérité austère, qu’une fiction , quelque rocambolesque qu’elle soit, est toujours ,presque toujours mieux accueillie que la réalité , quand bien même elle ne serait sombre.
Rappelons, avant de poursuivre, que ni l’idéologie,ni la politique-------------et le lecteur aura compris que nous opposons la politique à l’idéologie,------------ne sont des entités, des substances : ce sont des productions résultant de processus, de dynamiques, et ces processus correspondent à des opérations langagières.Or dans le rapport, la plupart du temps inconscient,qu’ils entretiennent avec le langage, les êtres humains -------admettons que l’on sache ce qu’il en est de ces êtres dits humains,-------------ont une tendance ,que l’on dirait naturelle,à privilégier rien qu’une dimension, celle du sens, et à retenir surtout une unité sémantique tenue ,sinon pour la seule, du moins pour la seule valable, à l’exclusion de toute autre considération frappée de rejet et de censure , à moins qu’elle ne contribue à la célébration de la signification que l’on aura choisi, pour des raisons plus souvent mauvaises que bonnes, et qui ne peuvent ,n’importe comment, qu’être ridicules, vu qu’elles avouent une incapacité, en tout cas, une réticence à examiner aussi pleinement et aussi profondément que possible toutes ,autant que possible, les virtualités de l’occurrence langagière rencontrée, de mettre en exergue.Il est possible de fournir à cette tendance plus d’une explication et il y a des chances pour qu’elles soient toutes parfaitement acceptables; l’essentiel n’est point là cependant. L’essentiel, c’est que cette tendance est probablement cause de la naissance de ce que l’on peut, en un sens pré-idéologique,déjà appeler l’idéologie .
Nous pensons pouvoir et devoir qualifier d’idéologique toute production qui, issue d’un processus qui ,lui-même, oeuvre dans le sens de la glorification de l’un, consacre et parachève ladite glorification.Le corollaire d’une telle position a pour nom intransigeance ; elle est repli sur soi,peut-être même repli psychotique, et refus de l’autre.Très vite, elle se veut autoritaire,voire autoritariste, n’accepte de point de vue que le sien ; tout ce qui se démarque de l’un, de l’homogène lui répugne et elle ne redoute rien tant que la différence, ne s’alarme de rien tant que del’hétérogène,car toute diversité bouscule le confort de ses habitudes ,lesquelles sont les seules imaginables, et toute manifestation de pluralité lui est une outrance,sinon de l’indécence.Au départ relativement innocente, l’idéologie a vite fait de se transformer en volonté de domination,de dictature avant de révéler sa nature fascisante.
A quoi donc tient le succès, indéniable, même s’il n’est toujours spectaculaire, de l’idéologie ?Au fait qu’elle flatte les plus bas instincts des hommes qui, dans leur très grande majorité,ont toujours préféré les plaisirs médiocres, pourvu qu’ils soient faciles et gratuits; au fait qu’elle donne à ses victimes l’illusion d’être les vrais acteurs de leur existence alors qu’ils ne sont même pas spectateurs de l’opulence de ceux qui profitent de leur cécité et que leur vie n’est guère différente de celle, si l’on peut dire, de machines, de robots, de zombies ; au fait surtout ,peut-être, que l’idéologie emprunte toujours des formes variées, tout en , sous une apparence , fausse, de diversité, demeurant toujours égale à elle-même : malhonnête et mensongère, laide------------il y a de ces laideurs qui fascinent,----------- et bête, quoique suffisamment rusée tromper des multitudes.De plus, il n’est pas d’organisation collective, il n’est peut-être même pas de structure intersubjective qui ne requière,pour sa survie,pour sa permanence, des éléments de stabilisation et de pacification.Et la pratique idéologique,la pratique d’un discours foncièrement clos sur lui-même , n’accueillant l’autre que pour mieux le domestiquer , se voulant exhaustif et entretenant des prétentions àl’universalité, collabore ,infiniment mieux que n’importe quelle autre pratique, à ces effets ( fallacieux) de stabilisation et de pacification , grâce au dispositif hiérarchisant qu’elle confectionne pour s’assurer de son emprise sur l’espace , dans l’espace où elle se produit.Mais il s’agit là d’un espace de domination; il n’est pas impossible que l’être humain soit cet animal qui ne rêve que de domination,pour l’exercer non moins que pour la subir, nous ne refuserons pas moins de croire qu’il ne peut qu’en être ainsi, sachant que les hommes ne sont pas tous entièrement dénués de quelque sentiment de leur dignité personnelle..
Et pour contrer la perniciosité de l’idéologie, il faut une pratique autre et qui ait la lucidité de comprendre que les rapports de l’individu avec ce qui n’est pas lui,loin d’être fondés sur la domination, c’est-à-dire sur le mépris et la haine,peuvent avoir pour inspiration et pour finalité le respect et l’amour ,et préférer la cooopération à l’hostilité sous-jacente à toute forme idéologique.Cette pratique –là,nous la baptisons politique, tout en reconnaissant qu’elle doit à peu près tout à l’épique brechtien et surtout à la déconstruction derridienne.Par politique ,nous entendons toute pratique allergique à l’idée même de clôture, de fermeture, et prônant une constante ouverture ; structure dynamique d’accueil,elle vit de la dénonciation permanente de l’idéologie et de la remise en question constante de son propre discours, de sa propre pratique, pour justement ne pas, elle aussi,sombrer dans l’idéologique.Elle n’avance rien qu’elle ne aussitôt questionne pour éliminer en elle toute pointe d’autoritarisme ,et pour veiller à ce qu’elle ne déroge à la règle de la plus grande neutralité possible.Or ,une pratique qui se critique elle-même ,qui a l’air de se contredire tout le temps, ne saurait , ne pouvant offrir d’autre garantie que celle de sa permanente remise en question,pour éviter le piège idéologique justement, est difficilement en mesure de convaincre ,car difficile, éprouvante et toujours vulnérable aux assauts de l’idéologie.Il s’agit pourtant d’une pratique,la seule peut-être , qui ,en aménageant une ouverture résolue, soit à même de préserver de toute tentative aussi bien que de toute tentation dictatoriales,qui puisse préparer l’avènement d’un espace démocratique dont les principes directeurs, et non les slogans, sont l’équité et la coopération ,et soit capable de travailler à la mise en place d’une aire relationnelle favorisant le respect et l’ouverture.
Un jour peut-être viendra où une telle politique sera possible; en fait , elle l’est déjà , mais n’exerce son efficacité que dans des sphères réduites, à faible intensité démographique.Quoi qu’il en soit, cette pratique,plurielle, que nous baptisons politique,et qui dépasse le seul cadre de la politique au sens courant,vu qu’elle embrasse la totalité des comportements de l’être humain,n’est possible , n’est réalisable que, si ,d’une certaine manière, elle ne se réalise pas.Ce n’est qu’à cette condition qu’elle pourra désespérer les gesticulations de l’idéologie, en gardant bien à l’esprit qu’il n’y a jamais de fin au combat contre l’hydre idéologique.Tout énoncé langagier court toujours, par la faute ,l’irresponsabilité,ou l’inconscience des destinateurs et des destinataires, c’est-à-dire en définitive de tout le monde, de se refermer sur lui-même, et d’être idéologique.Le remède ,qui n’en est pas un, au poison idéologique qui, véritablement ,tue l’être humain, en en faisant un objet, une chose,ou encore une simple fonction, quand il ne voit en lui qu’un citoyen ou un consommateur, c’est la politique en tant que pratique qui jamais ne s’achève et toujours se réévalue.Une politique libre de toute idéologie est possible, mais sous réserve d’un travail de libération qui ne trouve son terme que dans la mort;pas simplement dans la mort subjective d’un individu, mais dans la mort de tout et de tous, autrement dit qui ne parvient jamais à quelque aboutissement définitif . Résultante elle aussi ,tout comme l’idéologie, d’un frayage de forces, de différences,d’une dynamique, elle, cependant, ne se ferme sur elle-même pour fabriquer des songes et des mensonges au rang de vérités élevés, mais se déploie sans arrêt le long d’une interminable crête invisible pour empêcher toute figeure,interdire toute stase,afin que triomphe l’hymne à la vie dans le respect mutuel des différences , au-delà de toute volonté de domination et de maîtrise.Humblement et sereinement , mais non sans quelque angoisse dictée moins par la crainte de l’échec que par la possible irruption de la conviction de la tâche accomplie , par le soupçon d’un insidieux retour de l’idéologie.
Ramanujam Sooriamoorthy

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