Tuesday, July 28, 2015

Bon nombre de ceux qui se croient intelligents ne sont en fait que de pauvres imbéciles, mais ce ne serait pas bien grave s'ils se contentaient de n'être que des imbéciles convaincus d'être intelligents. Ils vont cependant bien plus loin et s'enhardissent à tenir ceux qui sont vraiment intelligents pour des sots; la raison en est toute simple, toute bête et absolument mauvaise: non seulement sont-ils incapables de les comprendre, mais ils sont même incapables de comprendre qu'ils ne les comprennent pas.

Une réputation d'intelligence tient pour beaucoup lieu d'intelligence.

Ce n'est pas parce qu'un texte, dans quelque domaine que ce soit, est difficle, compliqué, obscur, que son ou ses auteurs seraient forcément intelligents; bien souvent, c'est la seule nullité du lecteur qui explique son admiration face à des oeuvres d'une banalité parfaitement ridicule.

Est-ce qu'on aimerait toujours l'oeuvre de tel auteur, celle de Bruckner ou de Joyce, par exemple, si on ne savait que l'oeuvre est de Joyce ou de Bruckner? Probablement pas; au fond, on n'est que des analphabètes dégénérés: ce n'est pas l'oeuvre elle-même, que bien souvent on est incapable de lire, que l'on aime, mais la célébrité, pas toujours méritée d'ailleurs, d'un auteur avec lequel on a la naïveté de vouloir s'identifier, que l'on admire.

Il faut, pour apprécier les vertus d'une oeuvre, d'une action, d'une simple parole, d'un geste, d'un silence, savoir lire, mais la plupart des gens ne sont que des illettrés, et l'on peut craindre que les plus illettrés d'entre eux ne soient ceux qui ont, comme on dit, de l'instruction,qui ont même de la culture, mais qui croient seulement lire.

La maîtrise technique et la virtuosité ont beau être, en quelque domaine que ce soit, impressionantes et admirables, ce n'est pas ce qui fait la grandeur d'une oeuvre; tout au plus s'agit-il là, dans le meilleur des cas,  de prouesses dignes d'un cascadeur, et personne n'osera parler du génie d'un cascadeur; surtout pas un cascadeur lui-même. Pourtant on n'aime et n'admire jamais tant une oeuvre que quand elle est comme boursouflée, démesuré, montrueuse, à croire que seul ce qui remplit d'une espèce d'horreur peut paraître à d'aucuns sublime. Mais à qui? A qui d'autre sinon à des esprits malades et bourrés de complexes?

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