Thursday, July 23, 2015

Que l'art, création relativement récente, et encore ( (mal) heureusement?) inconnue dans certaines cultures, dont la mort semble bel et bien, en ces lieux mêmes où le phénomène artistique a connu des développements absolument impressionnants,  attestée, ait été détrôné au profit du spectacle, désormais à un rang supérieur à celui par l'art jusque-là occupé-----et quel spectacle! un spectacle condamnant les spectateurs, les y contraignant même, les meilleurs d'entre eux exceptés, à n'être que des voyeurs et des onanistes, et que cela ne suscite dans les milieux que l'on n'aurait guère de raison de soupçonner d'inculture et d'illettrisme de violentes inquiétudes, voilà qui ne présage rien de bien rassurant ni pour la génération présente, ni pour celles à venir, ni même pour les acquis du passé.
Loin que ce soit la disparition de l'art, conséquence de la désacralisation de la figure de l'artiste bien plus que de la dévalorisation de l'objet artistique, en raison de  sa prétendue inutilité par exemple, ou encore de sa rétrogradation à un stade pré-artistique, autrement dit artisanal, à tort considéré comme ayant pour caractéristique principale, quand ce n'en serait la seule, la grossièreté ou, du moins l'absence de tout réel raffinement, qui eût provoqué la mort de l'artiste,  c'est probablement l'autoavilissement de l'artiste, se satisfaisant du rôle qui lui est imposé de commerçant,voire  de mercenaire, ou se vautrant dans celui de bateleur de foire, sinon de saltimbanque, qui, encore que ecla n'excuse rien,  est cause de la désaffection affichée à l'encontre de l'art.
Qu'est-ce que l'art? Le phénomène à peine advenu, Hegel, le grand Hegel le décréta, en présence de Goethe lui-même, chose du passé. Pendant longtemps, et maintenant encore ça n'a pas vraiment changé,  on tenait que l'art c'est ce qui n'a de finalité qu'en soi, c'est ce qui ne trouve sa finalité qu'en soi. En d'autres mots, c'est à sa seule dimension formelle, encore que ladite dimension puisse donner lieu à toute une panoplie d'interprétations dont certaines sont forcément antinomiques, que l'on reconnaît l'oeuvre d'art. Cette dimension formelle, purement formelle, on l'a longtemps tenue pour synonyme de la beauté de l'oeuvre d'art, dont elle annonce et salue la venue. Cependant, quels que soient le statut, le rôle,  la fonction de la forme, depuis Aristote par exemple jusqu'aux formalistes, rien ne permet d'affirmer que le concept de forme surdétermine celui de beauté, même si la forme ne saurait jamais être étrangère à la notion de beauté, ne s'agît-il que d'une conception rudimentaire et qui s'ignore de la forme. La beauté, que, maintenant encore, on pourrait  difficilement dissocier de la notion de forme, n'implique pas forcément qu'il y, comme on dit, ait de l'art.Et si maintenant on se rappelle que le beau n'est pas plus nécessairement artistique que ce qui est (réputé) artistique n'est beau, on se met à soupçonner que l'art n'est pas, sans y être forcément opposé, toujours lié à la beauté. Qu'est-ce donc que l'art? Cette question pourra, de nos jours, maintenant qu'il n'y a plus d'art, que l'art n'intéresse (presque) plus personne, ayant été remplacé par le marché de l'art et l'histoire de l'art, et que l'artiste a été chassé par l'histrion qu'il est lui-même devenu, frapper comme étant oiseuse, pour peu qu'on perde de vue que le but de l'art moderne, ce  n'est ni la délectation, ni la beauté, ni même l'escapisme, ni surtout l'expression de soi, encore moins l'imitation du réel, mais la dé-couverte et la transformation du réel, c'est-à-dire la révolution. C'est ce à quoi travaille tout grand artiste, ou plutôt l'oeuvre de tout grand artiste, fût-il indifférent ou, même, hostile à tout idéal révolutionnaire pour lequel il n'aurait, de plus, que du mépris.
 Néanmoins, nous n'avançons que très peu; à peine. Ce n'est parce que l'art n'existe(rait) plus qu'en tant que révolution, que la révolution serait forcément et toujours artistique. Celles de Robespierre, de Mao, pour ne mentionner que ces deux-là, ne le furent et ne le seront jamais. Mais, dira-t-on peut-être, ni Robespierre, ni Mao n'étaient révolutionnaires. Ni Guevara? Ni Lumumba? Ni Gandhi? Ni le Christ? Ni personne? Non, pas personne. Le révolutionnaire, c'est celui dont l'oeuvre, qui se confond avec, dans le meilleur des cas, tous les instants de sa vie, consiste en un ébranlement permanent de toute certitude qui constamment contraint à voir, entendre, sentir, toucher, penser, parler, se comporter et agir différemment.Et de cela seule l'oeuvre artistique est capable, l'oeuvre, l'activité artistique, l'attitude artistique, lesquelles ne sont, en sus ou/et indépendamment  de leurs vertus  formelles irréfutables, et de ce qui, en elles, élève en s'élevant jusqu'au sublime, encore que l'on puisse avancer que ce qui élève, ce qui est capable d'élever (d'élevance) est, de ce fait même, nécessairement révolutionnaire----or il ne s'agit justement pas de fait ici: il s'agit de lecture, de réécriture  et d'écriture, et c'est pour cela qu'on pourrait, à la limite affirmer qu'il n'y a pas, qu'il n'y a jamais de révolution, la révolution étant un processus qui n'en finit jamais, grâce à ses acteurs, de se produire en se défaisant, en se refaisant, en se sans cesse réinventant  artistiques, que dans la mesure où elles procèdent à une ruinance de tous les instants de tout idéologème, de tout dogme et même de tout ce qui menace ou promet de se constituer en dogme

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